[CORSE-MATIN] « Une phase de transition de durée inconnue »

[CORSE-MATIN] « Une phase de transition de durée inconnue »

Jean Dominici – « Nous devons tous faire preuve de solidarité, il en va de la survie de notre économie », affirme le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse. Les commerces se préparent à relever le rideau et le défi d’une relance.

Les commerçants s’organisent pour la reprise. Quel est leur état d’esprit à quelques jours de la réouverture des magasins du centre-ville ?

Les bars, cafés et restaurants ne sont pas encore concernés par la reprise et on doit comprendre leurs inquiétudes et leur impatience. A quelques jours de la réouverture, les autres s’organisent et se préparent à rouvrir, en mettant en place les gestes barrières et les mesures de distanciation, afin d’assurer la sécurité de leurs employés et de leurs clients. Ils sont toutefois unanimes à s’inquiéter des menaces réelles qui pèsent sur la saison estivale.

Au-delà des problèmes pratiques liés à la distanciation, beaucoup d’interrogations demeurent sur le niveau de fréquentation des commerces dans un climat qui reste anxiogène. Pensez-vous que la clientèle sera au rendez-vous ou qu’au contraire, on s’achemine vers une phase transitoire de durée indéterminée ?

Comme nous l’avons déjà fait remarquer à plusieurs reprises, nos entreprises et nos commerçants ne veulent pas être aidés ou subventionnés, ils veulent tous et tout simplement travailler, et ce n’est qu’en désespoir de cause qu’ils se sont tournés vers les dispositifs existants pour tenter d’éviter une fermeture définitive. Malgré ces mesures de soutien exceptionnelles, les deux mois de chiffre d’affaires sont définitivement perdus. Les trésoreries sont au plus bas, et dans ce climat anxiogène il est difficile, voire impossible, de prévoir les comportements d’achat. Les commerçants s’interrogent logiquement et légitimement sur le niveau de fréquentation de leurs commerces, et sur le montant des chiffres d’affaires qui seront enregistrés. Il semble évident que nous entrons dans une phase de transition dont la durée reste inconnue, ou plutôt suspendue à la découverte d’un vaccin ou d’un traitement efficace.

Pour les commerces de proximité, l’enjeu est de reconstituer très vite une trésorerie. Quelles actions engager pour favoriser une relance ?

Dans ces moments difficiles, nous devons tous faire preuve de solidarité, il en va de la survie de notre économie. Quand on parle de circuits courts on pense à nos producteurs, mais le consommer local s’adresse aussi à nos commerçants de proximité qui souffrent toujours trop des mauvaises habitudes de consommation et de l’évasion des chiffres d’affaires sur internet. Nous devons tout mettre en oeuvre pour promouvoir le commerce local, nous avons déjà commencé avec la mise en ligne de la plateforme www.compruqui.corsica. D’autres initiatives sont en marche, notamment en collaboration avec les associations de commerçants.

Dans certains commerces, notamment textiles, les mesures de distanciation ne sont pas aisées à mettre en place. Par exemple, les essayages seront-ils autorisés ? Quelles garanties d’hygiène ?

C’est certain, c’est une contrainte supplémentaire pour nos commerçants, une de plus, j’ai envie de vous dire : d’une part, de nouvelles charges avec l’acquisition de plexiglas, gel hydroalcoolique, masques, pour leurs employés et pour leurs clients, et d’autre part, des mesures spécifiques de distanciation par typologie d’activités. Au moment où nous parlons, nous ne disposons pas encore de toutes les directives nationales concernant les commerces d’habillement, mais nos commerçants proposeront toutes les garanties à leur clientèle.

Où en est-on dans les négociations relatives à la date des soldes d’été ? Faudra-t-il la repousser ? Raccourcir la durée des soldes ?

Une réflexion est en cours au niveau national sur le report des dates des soldes d’été 2020. Le principe de ce report, que pour notre part nous soutenons, semble déjà acquis tant il est fortement soutenu par les fédérations concernées et notamment celle de l’habillement, il reste naturellement à arbitrer le débat récurrent de la fixation de nouvelles dates, comme de la durée.

Comment les commerçants pourront-ils lutter dans le contexte actuel contre l’offensive promotionnelle prévisible des grosses franchises et des ventes en ligne ?

Il va sans dire que le report de la date des soldes devra s’accompagner d’une interdiction des soldes privés qui pourraient contourner le dispositif ainsi que d’un encadrement étroit du e-commerce.

Les dispositifs régionaux et nationaux d’aide aux commerçants fonctionnent-ils de manière satisfaisante à ce stade ? Notamment au niveau des loyers ?

Grâce au travail collaboratif mis en place, par les services de l’Etat, de la collectivité de Corse, des chambres consulaires, et aux efforts fournis par l’Ordre des experts-comptables, les entreprises et les commerçants corses ont pu accéder aux principales mesures de report de charges, de chômage partiel ou encore du fonds de solidarité. Mais à l’évidence, il faut convenir qu’elles sont et seront insuffisantes face à l’ampleur de la crise. C’est aussi pour cela que depuis hier, nous proposons en partenariat avec la Collectivité de Corse et les banques qui ont souhaité participer, le dispositif de prêt à taux zéro Sustegnu. Concernant les loyers des locaux commerciaux, les bailleurs ont été appelés à faire preuve de souplesse. Toutefois, il ne s’agissait que de recommandation. Même si nous avons eu quelques exemples de rigidité, dans la majorité des cas, les reports ont été accordés sans difficulté.

Des campagnes promotionnelles d’envergure sont-elles programmées pour soutenir les commerçants ?

Nous boosterons nos aides et soutiens aux associations de commerçants afin que leurs plans d’action et de promotion cette année soient encore plus visibles et percutants, mais chacun est suspendu aux annonces concernant les possibilités de déplacements qui seront accessibles ou pas pour la saison estivale, ou plutôt ce qu’il en reste. Mes collègues et nos équipes sont entièrement mobilisés, malgré nos propres difficultés, pour engager toutes les actions et tous les programmes disponibles pour aider nos chefs d’entreprise et commerçants à gérer et traverser cette crise sans précédent dont la Corse sera, hélas, la région métropolitaine la plus exposée économiquement, sans l’ombre d’un doute.

HELENE ROMANI