[CORSE-MATIN] Haro sur l’aérien par les acteurs du tourisme

[CORSE-MATIN] Haro sur l’aérien par les acteurs du tourisme

Jeudi matin, la CCI de Corse et les représentants de l’industrie touristique ont organisé une conférence de presse pour pointer les obstacles à la planification de la saison, au premier rang desquels la compagnie Air France.

Deux grandes problématiques ont été pointées mercredi matin dans les salons de l’hôtel consulaire. Outre la question du paracommercialisme dans l’hébergement marchand (voir par ailleurs), c’est aussi et surtout celle de la desserte de la Corse par les compagnies aériennes en général, et Air France en particulier, qui a été au centre des discussions.

« Air France s’est illustrée de bien sombre manière sur le réseau hors OSP, avec des annulations en cascade, pour finalement 32 lignes de moins que l’an dernier, et pire, près de 130 000 sièges annulés alors qu’ils avaient été programmés pour 2020 au début du mois de mai. Le cas le plus douloureux étant celui des lignes depuis l’aéroport Charles-de-Gaulle », déclarait le président de la CCI Jean Dominici, en ouverture de réunion.

Pas de desserte depuis Charles-de-Gaulle par Air France

En effet, l’aéroport de la région parisienne offrait 93 000 sièges à destination de la Corse en 2019. Aucun ne sera proposé cette année, alors que 45 700 avaient été prévus lors du déconfinement. Mais les suppressions de sièges n’ont pas été le seul manquement souligné : « Hélas, tout ceci s’est doublé d’une quasi-absence de service clients, d’information et a fortiori d’accompagnement des usagers pour leur proposer des solutions de reroutage raisonnables », ajoutait Jean Dominici.

L’OSP, coupable idéal ?

Une annulation sans préavis, qui n’a pas tardé de faire réagir Jean-Baptiste Ceccaldi, président de l’OTI de Calvi-Balagne : « Pourquoi cette annulation de sièges du jour au lendemain ? », « Air France a répondu que c’était pour préserver l’obligation de service public » lui a répondu Jean Dominici. Mais l’argument ne convainc pas, et l’hôtelier d’ajouter : « Cet aéroport n’est pas concerné par la délégation de service public, on pourrait presque se demander si Air France n’aurait pas subi des pressions de la part d’autres compagnies aériennes qui veulent remplir leurs avions ». Sans nommer de compagnie précisément, ni accuser réellement, la question est posée. Mais ce qui surprend surtout l’assemblée, est que ces annulations ne soient le fait que d’une compagnie, nationale et aidée de surcroît. « Un plan de 7 milliards d’euros d’aides lui a été accordé et une part de ces vols sont subventionnés. Cela est donc d’autant plus surprenant que nous ne rencontrons pas ce problème avec les low cost qui, elles ont bien reprogrammé vols et sièges, adaptés toutefois aux restrictions aux frontières qui persistent. L’attitude d’Air France est incompréhensible. Une ligne supprimée c’est une baisse de trafic mais 30 lignes, c’est du désengagement ! »

Une baisse ramenée autour de 40% en juillet

Si le nombre de passagers a chuté en moyenne de 80 % en juin sur les quatre aéroports de l’île, soit 79% et 80% pour Calvi et Bastia, et 79% et 81% pour Ajaccio et Figari, la tendance semble toutefois se ralentir en juillet cette baisse se situant en deçà de 50% pour la première quinzaine de juillet. Plus précisément -44% pour Calvi, -43 % pour Bastia, -40% pour Ajaccio, et -46 % pour Figari.

Le maritime ne compense pas cette déperdition car, bien que moins impactés, les ports affichent des reculs moins marqués, avec -57,50% pour Ajaccio en juillet, -12% pour Porto-Vecchio, et -20 % pour Propriano. La Haute-Corse est toutefois plus impactée, avec respectivement 74% et 76% de baisse pour L’Ile-Rousse et Bastia. La tendance devrait continuer dans ce sens pour août et septembre, mais tous restent suspendus à l’évolution de la situation sanitaire.

Le cahier des charges de la délégation de service public était alors pointé du doigt par Jean-Pierre Pinelli : « Nous sommes face à une saison concentrée sur un pic de 45 jours qui provoque l’inconfort des locaux et impacte la qualité de l’offre touristique. Lors de la création du Cercle des grandes maisons, certains établissements restaient ouverts dix mois. Il n’y en a plus aucun aujourd’hui essentiellement en raison de l’offre de transport. II est urgent de revoir le calendrier de la saison et donc le cahier des charges de l’OSP ».

Une réflexion approuvée par tous, pour une problématique largement antérieure à la crise sanitaire.

La tarification au cœur des discussions

Présent à la réunion, l’intervention de Jean-Pierre Pinelli a porté sur les tarifs. Si tous ont pointé les prix astronomiques pratiqué ces dernières semaines pour les vols de l’été, soit jusqu’à plus de 1 000 euros pour un vol depuis Paris, l’hôtelier calvais a développé une analyse de ces tarifs : « L’augmentation des billets se fait par tranche de 20 euros à mesure que l’on approche de la date de départ mais c’est aussi la délégation de service public qui fait flamber les prix. En émettant trop de billets à prix cassés, cela fait mécaniquement augmenter les prix des billets restants, dans des proportions incroyables »

Ces prix cassés seraient selon lui trustés par les groupes, type Club Med, et les habitués de la destination, au fait du calendrier de ces réductions, et participeraient à l’appauvrissement de la fréquentation en faisant fuir la clientèle, sinon de dernière minute, à tout le moins choisissant sa destination à une date proche du départ.

Une analyse partagée par l’unanimité des participants.

EN CHIFFRES _____________________________________________________________

130 000 sièges annulés en tout pour 2020 par Air France, dont 46 700 depuis l’Aéroport Charles-de-Gaulle

– 80% de passagers en moins en moyenne sur chacun des quatre aéroports corses, soit 43 218 passagers arrivés à Ajaccio, et 40 267 à Bastia.

– 42% de baisse constatée en moyenne, pour la première quinzaine de juillet dans les aéroports.

 

ISABELLE-LANCON-PAOLI