[CORSE-MATIN] Plan de relance à 100 milliards quelle part pour la Corse ?

[CORSE-MATIN] Plan de relance à 100 milliards quelle part pour la Corse ?

Alors que le Premier ministre, Jean Castex, a présenté, hier, le dispositif d’urgence visant à rebooster l’économie tout en conciliant priorité environnementale et attentes patronales, les entreprises de l’île sont, elles aussi, dans l’expectative. Prise de pouls avec les acteurs clés.

Après une saison qui n’aura tenu que quelques-unes de ses habituelles promesses, la rentrée et surtout l’automne qui se profile laissent place à nombre d’inquiétudes dans un contexte extrêmement tendu pour les chefs d’entreprise insulaires. Tour d’horizon.

Charles Zuccarelli, président régional du Medef, relève que “dans ce plan de 100 milliards alloué au niveau national, une enveloppe de 385 millions sera consacrée aux TPE-PME et c’est notamment sur cette enveloppe que les entreprises corses pourraient se positionner. Mais il faudra attendre un peu pour connaître le fléchage prévu pour la Corse. En attendant l’île va connaitre trois vagues, contrairement aux autres régions du continent qui sont un peu plus industrialisées, dès lors que notre économie dépend à 50% en retombées directes et indirectes, de la richesse créée par l’industrie du tourisme. La première vague, c’est celle du coronavirus, elle est mondiale. La deuxième c’est la saison en demi-teinte, les premiers chiffres de l’ATC indiquent des baisses entre 20 et 40% de la fréquentation touristique par rapport à l’année dernière. À la clé, l’inconnue de l’après-saison, forte d’ordinaire de trois types de clientèle, les couples avec des enfants en bas âge, les jeunes couples, enfin les groupes avec les autocaristes et le troisième âge. La crainte que I’on peut nourrir, c’est qu’avec la reprise de l’épidémie, même si le virus a l’air moins virulent le troisième âge ne vienne pas. Quant à la troisième vague, que l’on voit arriver et qui va frapper de plein fouet nos entreprises en termes de consommation, elle se matérialise par une inquiétude, là encore qu’en l’absence d’une partie de la richesse qui aurait dû être créée cet été et ne l’a pas été, moins de dépenses soient faites sur tous les secteurs et pans de l’économie de la Corse“.

Jean Dominici, président de la CCI de Corse : “Nous avons fait réaliser une étude par le cabinet Ernst & Young (auprès de 1 746 entreprises corses, la chambre proposant un plan de relance de l’économie de 2,5 milliards d’euros d’ici 2025, ndlr) et nous l’avons adressée, il y a déjà trois semaines au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Nous espérons fortement que le dossier a été transmis à Jean Castex pour qu’il mette en application ce qu’on lui demande. Nous avons 70 mesures sur lesquelles nous avons travaillé. Il faut revoir le tourisme, les transports, rien de moins que ce que nous répétons depuis des années. Surtout désormais il faut passer aux actes. La Corse ne pourra se passer du soutien spécifique qu’elle mérite.”

Jean-André Miniconi, président de la CPME Corsica : “À mes yeux, il s’agit davantage d’un plan de restructuration de l’économie sur du moyen terme que d’un plan de relance avec des mesures chocs. Certes l’enveloppe globale est énorme mais les sommes perdues le sont également et nous pensions qu’iI y aurait des mesures de soutien à la demande, or ces dernières n’y sont pas. La seule mesure quantifiable actuellement dans ce plan concerne la diminution de moitié des impôts de production – ex-taxe professionnelle – avec en corollaire, un impact en Corse de 43 millions d’euros de baisse sur deux ans. Pour le reste, ce sont des mesures globales on retient simplement le maintien de l’accompagnement pour le chômage de longue durée qui a beaucoup été utilisé en Corse mais que l’on ne peut pas vraiment évaluer pour l’instant. Sinon le plan destiné à recapitaliser les entreprises me semble très nettement insuffisant, n’étant que de 3 milliards.”

Bernard Giudicelli, président de l’Umih (Union des métiers de l’industrie hôtelière) Corsica :Je pense que l’on ne peut malheureusement, pas attendre grand-chose de ce plan de relance, même si pour l’heure, seules les grandes lignes ont été ébauchées Sur le tourisme, ce n’est pas transcendant et sur la Corse et nos particularités d’hypersaisonnalité encore moins. Or, c’est un message que I’on fait passer depuis le début en martelant que l’hypersaisonnalité rend fragile, un état de fait sur lequel personne ne nous aide pour arriver à étaler la saison À part des incantations à chaque élection je n’ai jamais vu une politique concrète sur le terrain. La crise du Covid est venue aggraver cette hypersaisonnalité même si on ne s’en sort pas trop mal avec un mois d’août à peu près normal, vous diront certains, à 10% prés, certes. Ceux qui travaillent deux ou trois mois ne vont être impactés que sur la moitié de leurs revenus tandis que ceux qui assurent des saisons plus longues, le seront davantage. Finalement les conséquences seront aussi importantes que prévu, avec un chiffre d’affaires qui n’atteindra que 30 à 40% de notre chiffre d’affaires habituel. Tant mieux, en revanche, si on parle de développement durable, car pour le secteur tourisme, I’Umih s’est engagée dans cette démarche depuis déjà plusieurs années. Ce qui m’ennuie dans le plan de relance, c’est qu’on ne parle pas de plan de sauvegarde. Et tant que l’on ne sauvegarde pas, cela ne sert à rien de vouloir relancer les morts. ”

Jean-Yves Leccia, directeur général de Corse Composites Aéronautiques : ” Nous allons tout mettre en oeuvre pour nous raccrocher au plan de relance qui contient un volet aéronautique avec un axe fort concernant le financement de travaux de recherche pour préparer l’avion vert du futur qui ne consommera pas de carburant À ce titre, au sein de l’entreprise, nous essayons de monter en puissance sur des programmes de recherche“.

ANNE-C. CHABANON