[LA LETTRE – CCI DE CORSE] Un mal pour un bien, on l’espère…

[LA LETTRE – CCI DE CORSE] Un mal pour un bien, on l’espère…

Un mal pour un bien. Voilà ce qu’on se dit, en général, pour trouver une raison d’espérer quand tout incite à se résigner, à baisser les bras.


Mais dans le contexte du fléau sanitaire doublé d’une crise économique et sociale sans précédent que la Corse subit de plein fouet, l’épreuve, aussi terrible et anxiogène qu’elle soit, peut se transformer en opportunité pour s’atteler à construire un avenir meilleur pour notre territoire dans sa globalité et notre écosystème économique en particulier.

L’enjeu est clairement posé : le coronavirus doit être regardé comme l’occasion d’une remise en cause générale. au cours de la réunion de travail du 20 juillet dernier au cours de laquelle a été déployée la feuille de route proposée par le cabinet EY relative au plan de redémarrage économique de l’ile, une phrase est revenue comme un leitmotiv, comme une chance à saisir : « Nous devons tous changer ».

Le challenge consiste, en effet, à sortir de la configuration du passé pour bâtir, tous ensemble, un nouveau modèle basé sur l’équilibre, la responsabilité, la proximité. un modèle plus vertueux dont la CCI de Corse a l’ambition de devenir le bras séculier.

Aujourd’hui, il faut encore et toujours faire face à l’urgence, entreprendre des actions de sauvetage pour apporter de l’oxygène aux entreprises et sauver les emplois, notamment dans tous les secteurs plus ou moins directement liés du tourisme, sans aucun doute l’activité la plus impactée par la crise. mais il faut s’affranchir des seuls réflexes défensifs, voir beaucoup plus loin pour les générations futures et poser d’ores et déjà les jalons d’une transformation plus profonde et plus durable.

À l’époque des enveloppes et des subventions qui irriguent tous azimuts se substitue celle, plus concluante, des projets qui captent les crédits.

On ne raisonne plus en structures ou en outils mais en filières avec leur sève et leurs ramifications. Comme si, désormais, tout partait du terrain et des acteurs qui l’animent. C’est à un changement radical de paradigme auquel il faut se préparer dès à présent. Et on ne peut le faire que si toutes les parties concernées, l’état, la Collectivité de Corse, les organismes consulaires et leurs partenaires financiers travaillent main dans la main.

La spécificité du tissu économique à prendre en considération

C’est animés de cette volonté de lancer les bases d’une union sacrée que Jean Dominici, le président de la CCI de Corse, et Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse, avaient signé en commun un courrier adressé au ministre de l’économie et des Finances. La demande d’une rencontre prochaine a été réactivée en août car les mesures nationales ne suffiront pas. Il est impératif que la spécificité corse fasse l’objet d’une attention particulière.

Tous les jours, les messages de désarroi et de menaces de disparition remontent du terrain, des chefs d’entreprise, des commerçants et des artisans, relayés par les différentes organisations professionnelles, en raison de l’insuffisance ou de l’inadéquation des mesures nationales pourtant significatives, il faut l’admettre.

Une phrase de la lettre, qui fait suite à deux autres courriers argumentés, résume l’état d’esprit du message adressé à Bercy : « Nous redoutons très objectivement une casse sociale et un volume de disparition d’entreprises sans précédent si nous ne parvenions pas à améliorer très rapidement ces dispositifs. »

En même temps que cet appel légitime à la solidarité nationale, Bruno Le maire a été rendu destinataire du rapport final de l’étude confiée au cabinet EY & Associés et de la note de synthèse qui, d’emblée, donne la sentence de l’InSEE : « La Corse est la région française dont l’activité économique a été la plus impactée par les conséquences de la crise liée au Covid-19 et la période de confinement. » Elle annonce la destruction de plus de 3 000 emplois structurels dans les mois à venir. En réalité, c’est le double d’emplois qui serait en péril.

Confrontées à cette situation économique et sociale dramatique, la CdC et la CCI de Corse ont élaboré un plan de redémarrage ambitieux avec pas moins de soixante-douze mesures à engager sur la période 2020- 2025 pour, d’une part, soutenir la reprise d’activités des entreprises jusqu’au printemps prochain et, d’autre part, creuser, comme l’imposent la nécessité et l’évolution de la société, les fondations d’un modèle économique plus résilient, plus innovant, plus générateur d’emplois. un vrai défi, d’autant plus passionnant et salutaire à relever que tout un chacun, du plus modeste artisan au sommet de la décision politique, peut apporter sa propre pierre sans laquelle l’édifice n’aurait pas la solidité requise. L’état a son propre rôle à jouer. Comme l’écrit Jean Dominici à Bruno Le maire, « l’économie de la Corse ne pourra se passer ni du soutien spécifique qu’elle mérite, ni de la réforme qu’elle ambitionne. »

Il est instamment demandé à l’état d’adapter les mesures nationales à la Corse, de les élargir et de les prolonger et, par là-même, de soulager, pour ne pas dire de délester, les entreprises de la chape fiscale qui les asphyxie.

Au-delà de la mise en place d’un grand « fonds spécifique » que le ministère pourrait encourager et abonder via ses relais financiers locaux, l’action de Bercy est attendue sur trois actions primordiales : la création d’une aide forfaitaire à l’embauche pour les jeunes ; l’expérimentation d’un dispositif de soutien à la reconversion des personnels licenciés vers les métiers de demain ; le lancement effectif, réclamé depuis au moins vingt ans, du CDI saisonnier pour une durée de 5 à 10 ans et, dans un premier temps, pour un nombre limité de bénéficiaires.

Accroître le rayonnement de la Corse en Méditerranée

Simultanément à celle adressée à Bercy, une lettre a été envoyée à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires, afin qu’elle contribue à la meilleure coordination possible entre les échelons nationaux et locaux, entre la sphère politique et la sphère économique. L’accompagnement post-crise sanitaire comme les projets de développement imposent de sceller l’alliance entre les contraintes budgétaires et les opportunités de financement. Les secondes ne sont pas moins réelles que les premières…

S’agissant plus particulièrement du tourisme et du renforcement de la lutte contre le paracommercialisme, est requise une augmentation des moyens de contrôle fiscal des hébergements locatifs meublés de courte durée.

Entre autres idées et initiatives innovantes relatives à plusieurs filières, la Corse souhaite intensifier son rayonnement euroméditerranéen et c’est dans cette perspective qu’elle se positionne officiellement pour accueillir sur son sol des événements à fort retentissement justement dédiés à la méditerranée. L’état, et c’est là une suggestion dont on espère qu’elle recevra un écho favorable, pourrait y organiser les assises de l’économie de la mer en 2021 voire l’année suivante, et appuyer sa candidature à l’organisation de la cinquième ou la sixième édition du Forum régional de l’union pour la méditerranée. Emmanuel macron était déjà sensibilisé à la question car il a choisi la Corse et son palais des congrès à ajaccio pour héberger, il y a quelques jours, le med7, le sommet des sept pays du sud de l’union européenne.

C’est là une belle et grande idée qui reflète à elle seule l’ambition de la Corse de s’ouvrir, aux sens propre et figuré, à de nouveaux horizons. Et si elle réussit en mobilisant ses femmes et ses hommes, son énergie et sa créativité, le premier des enseignements à tirer sera que ce virus, qui a mis notre territoire à genoux, lui aura offert surtout l’opportunité de se relever et de devenir plus fort qu’il ne l’a jamais été par le passé. alors oui, on pourra conclure que la crise aura été un mal pour un bien.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°2 (SEPTEMBRE-OCTOBRE 2020) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

LA LETTRE N°2