[LA LETTRE – CCI DE CORSE] Une course contre la montre

[LA LETTRE – CCI DE CORSE] Une course contre la montre

Un regard extérieur et affûté sur l’état des lieux de la Corse était indispensable, un passage obligé. L’expertise du cabinet EY était d’autant plus attendue qu’il s’agissait moins d’aligner une série de mesures urgentes et salvatrices que de regarder l’avenir avec un œil neuf pour mieux voir les perspectives nouvelles à tracer.

La mission assignée à l’équipe internationale d’EY était d’accompagner la réflexion de la CCI de Corse pour un redémarrage de l’économie post-confinement, recenser toutes les défaillances, aussi bien conjoncturelles que structurelles, pour définir les axes opérationnels les plus efficaces, porter la voix des acteurs économiques sur le long terme, trois, cinq ans voire davantage. Seul un diagnostic clair pouvait déboucher sur une base de travail solide.
La fiabilité est dans la forte remontée de terrain puisque, rappelons-le, 1 746 entreprises ont apporté des réponses aux questions posées par l’enquête auxquelles il convient d’ajouter une cinquantaine d’entretiens et de contributions écrites.
Une mobilisation encourageante, réconfortante même, lorsque l’on sait que, dans les prochains mois, ce sont donc environ 6 000 emplois qui sont en état d’extrême fragilité.
En réalité, le plan doit s’étirer en deux temps. un temps court, jusqu’en avril 2021, pour galvaniser la relance des activités et assurer la survie de certaines entreprises, et un temps long, d’au moins cinq ans, pour échafauder, d’un commun élan, un modèle plus résilient et plus générateur d’activités et d’emplois durables.
Au total, EY a ouvert un portefeuille de quelque 73 actions dont 21 sont classées prioritaires. Cela pourrait, somme toute, mobiliser 2,5 milliards d’euros, probablement même davantage. mais comme l’ont expliqué les émissaires d’EY, Pierre-Aymeric Dewez, Phuong Nguyen et Emeric Laveix, qui n’ont éludé aucun regard critique sur leurs travaux, la difficulté est moins dans la captation des financements que dans l’émergence des bons projets, qu’ils émanent des collectivités publiques pour les grands équipements structurants ou, plus important encore, des entreprises pour développer une économie plus vertueuse, c’est-à- dire beaucoup plus profitable à la Corse. Et pour cela, il faut leur faciliter la vie !

Insuffler une dynamique inédite à des atouts séculaires

Sans entrer dans le détail, les besoins sont parfaitement identifiés. Il faut du soutien financier, apporter de l’accompagnement et du conseil, apaiser le souci de l’endettement et donner des gages fiscaux exceptionnels.
tous les entrepreneurs ou presque sont convaincus de la nécessité d’opérer des changements au cœur de la matrice économique et sociale de la Corse. Ils militent pour une nouvelle philosophie qui se traduirait concrètement par un tourisme plus durable, un plus grand respect de l’environnement, la primauté donnée aux circuits courts pour délester la chape de dépendance avec l’extérieur, une réduction des inégalités, un soutien plus franc à la recherche et aux nouvelles technologies. On l’a bien compris, l’enjeu est de ne pas se reposer sur ses lauriers mais d’insuffler une dynamique inédite à ce qui constitue nos atouts séculaires, la tradition, l’authenticité, les niches, le savoir-faire. Les Corses qui veulent agir ne manquent jamais d’imagination.
La priorité, pour le court comme pour le long terme, c’est l’obtention d’un dispositif national de soutien élargi avec notamment la création d’un « fonds de rebond » et la mise en œuvre d’un processus de reconversion des salariés licenciés, la réalisation d’un nouveau schéma pour le tourisme en préservant l’hébergement marchand. Il s’agit encore de favoriser le mécénat à grande échelle pour la culture. Et le catalogue est loin d’être exhaustif…

Un observatoire éphémère pour maintenir le bon cap

D’autres mesures audacieuses, qui résonnent parfois comme des vœux pieux mais pas toutes, ont été mises sur la table. On citera, entre autres, la création d’un hôpital universitaire, d’un consortium « Emploi Corse 2025 », d’une maison de la Corse à paris, d’une école supérieure de l’hôtellerie, d’une école des métiers de l’eau ou encore le déploiement d’une monnaie locale corse…
Et pour chapeauter tout ça, il s’agira de créer une instance paritaire de pilotage, une sorte de grand Observatoire à la durée de vie limitée pour effectuer des évaluations régulières et pouvoir, en toute connaissance de cause, ajuster les mesures ou leur donner une nouvelle orientation.
une des recommandations phares, sinon la plus importante de toutes, est aussi simple que clairvoyante : il faut agir vite ! La CCI de Corse – et la commande de cette expertise en constitue une illustration – a déjà engagé cette course contre la montre, par exemple, pour aider le secteur du tourisme placé sous respiration artificielle, favoriser la reprise des trafics maritime et aérien dans un environnement contraint de sécurisation sanitaire car le virus aime aussi l’été.
Elle se positionne encore comme pivot de toutes les concertations à mener conjointement avec la Collectivité de Corse et l’état pour tracer un chemin qui, c’est bien le cas de le dire, sortira des sentiers battus. Car il s’agit bien de construire un écosystème attractif et compétitif propice à une mutation radicale en faveur d’un modèle équilibré et durable, d’accélérer la transition numérique, de se donner les moyens d’inventer les filières de demain et toutes les formations qu’elles méritent.
Le chantier est immense. Il pourrait légitimement effrayer, faire basculer la Corse dans le fatalisme. mais au contraire, il donne surtout envie de se retrousser les manches et d’aller au charbon.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°2 (SEPTEMBRE-OCTOBRE 2020) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

LA LETTRE N°2