[La Lettre] L’hôtellerie n’a pas toutes les clès en main !

[La Lettre] L’hôtellerie n’a pas toutes les clès en main !

À ce jour, l’horizon reste bouché alors que la saison aurait déjà dû démarrer sur les chapeaux de roue. Les professionnels sont d’autant plus inquiets qu’ils n’ont pour l’instant, aucune garantie sur le recrutement des saisonniers et la possibilité de les intégrer dans le dispositif d’activité partielle…

Le virus, c’est la guerre des nerfs, mais le tourisme, c’est le nerf de la guerre. De manière directe ou induite, des dizaines de milliers de familles en dépendent.

En ce mois d’avril, l’agenda ordinaire voudrait que le niveau des réservations fût au beau fixe, surtout après une longue année de galère pour les professionnels et pour tous celles et ceux, de France et d’ailleurs, qui aspirent à prendre des vacances pour se refaire un moral, y compris et peut-être surtout chez les soignants qui ont eu la vie dure. Or, avant même les nouvelles restrictions qui vont s’appliquer jusqu’à début mai, l’Umih Corsica a pris la température auprès de quelque 80 établissements pour mesurer le niveau des réservations. Il se trouve qu’en février et en mars, dans une majorité de cas, la baisse oscille entre 50 et 80 %. Les incertitudes sont loin d’être levées même si la CCI de Corse s’emploie à envisager une reprise comme l’atteste le succès de sa politique de lobbying auprès des compagnies aériennes à bas coût.

SAISONNIERS : UN VRAI CASSE-TÊTE

Les professionnels du tourisme ont toujours la tête dans le seau car le calendrier de réouverture est à peine esquissé. Pourtant, la reprise ne se fait pas sur un claquement de doigts, elle se prépare longtemps en amont à commencer par le recrutement des personnels saisonniers dans les hébergements comme dans la restauration. Pour les seuls établissements affiliés à l’Umih, on en recensait 7 500 en 2019. Les saisonniers peuvent être rangés dans deux grandes catégories : ceux qui sont des fidèles, reviennent en Corse auprès des mêmes employeurs depuis plusieurs années. À cette frange-là, il a été proposé, comme à chaque fois, une promesse d’embauche. La deuxième catégorie est composée de saisonniers qui ne sont pas des familiers de la Corse mais avec lesquels il faut aussi passer par la voie de la promesse d’embauche sous peine de ne jamais les voir et de mettre la structure dans l’embarras. Et lorsqu’ils sont là, il faut évidemment les rémunérer et souvent leur assurer le gîte et le couvert. Aussi, parce qu’il est impossible d’assurer des salaires sans avoir de recettes, les organismes ont une revendication légitime, celle d’avoir la possibilité de mettre les saisonniers au chômage partiel si la crise sanitaire compromettait sérieusement la saison. Sinon, dans l’hypothèse où l’horizon s’éclaircit, le risque est de ne plus trouver aucun saisonnier sur le marché au moment où on en aura besoin. Comment un hôtel pourrait-il ouvrir ses chambres à la clientèle s’il n’y a personne pour s’en occuper ? Le défaut de visibilité est tel que les offres d’emploi du tourisme plafonnent actuellement à 400, autant dire rien !

La balle est toujours dans le camp de l’État et il y a peu de chance que la Corse bénéficie d’une dérogation. La mesure sera nationale ou ne sera pas.

L’Umih tire la sonnette d’alarme. Avec ses partenaires du Groupement national des Indépendants Hôtellerie et Restauration, elle est cosignataire d’un courrier adressé il y a quelques jours à la ministre du Travail, Élisabeth Borne, dans lequel il lui est demandé de tenir ses engagements de novembre dernier et d’accorder la prise en charge de l’activité partielle aux saisonniers comme cela avait été fait pour la montagne l’hiver dernier. Sans réponse, l’économie saisonnière de la Corse recevra un nouveau coup de massue !

Les experts-comptables le disent aussi..."

S’il fallait une preuve de plus de la férocité de la menace de récession, l’ordre des experts-comptables l’apporte à son tour ! En s’appuyant sur les télédéclarations sociales et fiscales des TPE et PME, il dresse un panorama de la crise : sans surprise, l’activité, tous secteurs confondus, a reculé de 8,4 % en 2020, 35 % pour le seul mois d’avril. Son baromètre révèle des disparités entre les régions et les secteurs. Les deux régions les plus touchées ont été l’Ile-de-France (-13,1% du chiffre d’affaires cumulé) et la Corse (-14,1%) très éprouvée par la faiblesse de sa saison touristique (1,5 milliard de manque à gagner).

Sur le plan des secteurs, c’est la restauration traditionnelle (-38,7%) et les hôtels (-44,4%) qui ont le plus souffert. Les restaurants ont été fermés une partie de l’année (et le sont toujours) tandis que les hôtels ont vu leur activité chuter de plus de 75 % lors du 2e trimestre et de près de 60% lors du 4e trimestre.

Rendre le dialogue plus productif"

Les échanges tripartites entre le préfet de Corse, la Collectivité de Corse et le monde économique représenté par le président de la CCI de Corse s’adossent sur un constat de gravité partagé, les spécificités de notre tissu économique constituant un facteur aggravant en termes de vulnérabilité et de dégradation.

Si un point de désaccord persiste quant aux évaluations de pertes, notamment sur la baisse du PIB, l’État souligne l’importance et la portée des mesures nationales (PGE, chômage partiel, différés des charges…) mais aussi le caractère propice d’un accord de relance pour la Corse, d’autant que certaines mesures nationales ont des effets quasi nuls dans l’île. Aussi, lors de la dernière rencontre a été l’occasion pour la CCI et la Chambre de Métiers, au nom du Collectif, de réaffirmer leur soutien aux plans Salvezza è Rilanciu, en faisant valoir trois préoccupations majeures : l’instauration d’un dialogue institutionnel productif ; l’adaptation des mesures économiques aux particularités du territoire ; la nécessité de rendre les dispositifs rapidement opérationnels au bénéfice des acteurs économiques et sociaux.

Une nouvelle fois, l’État a été interrogé sur la transformation du PGE en prêts participatifs ou en aides directes, sur l’élargissement du périmètre pour le crédit d’impôt (par exemple aux transports routiers) et sur l’exonération du paiement des charges sociales pour les acteurs plus impactés, dans le droit fil des propos du ministre de l’Économie. Le préfet de Corse a proposé d’ouvrir un espace de dialogue mais il faut des réponses et dans les meilleurs délais.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°9 (AVRIL 2021) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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* Engagement des Aéroports  pour la Sobriété Energétique et l’Environnement

** Airport Carbon Accreditation