[La Lettre] L’optimisme n’est pas (encore) de saison

[La Lettre] L’optimisme n’est pas (encore) de saison

Le pouls mesuré auprès des professionnels de l’hôtellerie bat encore lentement. Le soulagement unanimement ressenti à l’occasion de la reprise est contrarié par un virus qui, certes, déserte la Corse mais pas l’esprit de tous les visiteurs potentiels…

La date du 19 mai choisie par le Président de la République comme coup d’envoi d’un retour progressif à la normale a été accueillie avec un profond soulagement et parfois même de l’enthousiasme chez les hôteliers et les restaurateurs mais elle n’a pas eu non plus, tant s’en faut, l’effet d’une baguette magique. Bénéficiant d’une vue quasiment imprenable sur la situation en raison de sa triple responsabilité de porte-parole de l’Umih Corsica, d’élue de la CCI de Corse et de gestionnaire d’un complexe hôtelier marin, Karina Goffi dresse un tableau où les promesses d’une belle saison sont barricadées par la haute clôture des gros points d’interrogation. 

« Actuellement, la situation varie suivant les secteurs et les types d’établissement. Les grosses structures qui travaillent essentiellement avec les groupes sont confrontées aux plus grandes difficultés dans la mesure où ce segment touristique est encore sous l’éteignoir de la crise sanitaire. Elles enregistrent quelques réservations individuelles mais le taux de fréquentation sera encore à l’étiage pendant plusieurs semaines, de l’ordre de 15 à 20 %, pas davantage. L’état des lieux semble un peu plus réjouissant pour les petites structures mais ce n’est pas non plus le nirvana. Avec le retour des fidèles, les mois de la haute saison, juillet et août, apporteront sans doute bien plus de satisfaction, mais un vent de pessimisme se lève quand on se projette dans l’arrière-saison, septembre et octobre… »

« ON N’EST ENCORE À L’ABRI DE RIEN ! »

Les incertitudes qui pèsent lourdement sur la période de la rentrée sont liées à l’évolution de la situation sanitaire : Pass national ou Pass européen, éventualité de mesures inédites pour les déplacements en Corse, tests PCR pour les ressortissants de certains pays qui, le cas échéant, devront amener dans leurs bagages les adresses des offices de tourisme mais aussi des laboratoires d’analyses. « Il est essentiel que la Corse soit considérée comme une destination sûre et, au-delà de la remarquable campagne de vaccination, les professionnels du tourisme font tout ce qu’il faut pour qu’il en soit ainsi. Mais vu de l’extérieur, les règles ne sont pas encore connues et, par voie de conséquence, pas encore diffusées, ce qui explique la retenue au niveau des réservations. Pour qu’un maximum de doutes soient dissipés, il faut que les informations circulent rapidement. En attendant, on n’est à l’abri de rien. » Si les hôtels qui sont restés fermés le 19 mai pour diverses raisons se comptent sur les doigts d’une main, quatorze établissements sont, à ce jour, mis en vente et d’autres suivront sans doute, ce qui n’est pas une bonne nouvelle concernant un territoire pour l’économie duquel le tourisme et ses filières pèsent pratiquement un tiers du Pib.

LES SAISONNIERS, ANCIENS ET NOUVEAUX,  SUR UN PIED D’ÉGALITÉ

L’autre problématique, vécue avec une acuité particulière pour une île, a trait au recrutement des saisonniers. La source se tarit au fil des jours. Aussi, les professionnels sont en permanence à l’affût des demandes d’emplois saisonniers faites sur les réseaux sociaux afin de réagir aussitôt dans l’espoir d’étoffer leurs effectifs. « Certains restaurants, restaurants autonomes ou restaurants d’hôtel, ne pourront pas fonctionner normalement faute de personnels dans les salles comme dans les cuisines » prévient Karina Goffi.

Crédit photo : SONY DSC

En revanche, les saisonniers récurrents qui bénéficiaient depuis longtemps d’une promesse d’embauche ne seront pas les seuls à être théoriquement éligibles au chômage partiel du fait de la baisse des activités. « Les nouveaux, ceux qui ont été recrutés récemment, ont les mêmes avantages. Ils restent dans l’effectif toute la saison mais bénéficient de l’activité partielle si cela s’avère nécessaire. Cette possibilité-là existe et elle doit être connue de tous ! » La présidente de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Haute-Corse tient aussi à rappeler, une fois encore, la conjonction salutaire des aides de l’État pour atténuer les effets des fermetures administratives, de la Collectivité de Corse à travers notamment le plan Sustegnu – y compris pour les jeunes structures auxquelles il manquait la référence de 2019 pour le chiffre d’affaires – et de la CCI de Corse et de son président Jean Dominici qui auront été sur tous les fronts et en première ligne pour proposer et négocier pied à pied depuis plus d’un an.

La Corse est une des rares régions où la mobilisation aura permis d’amortir en partie le choc de la crise sanitaire, du plus modeste consommateur jusqu’au sommet du pouvoir, qu’il soit politique ou administratif.

 

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°11 (JUIN 2021) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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