[La Lettre] Un bel été ne fait pas le printemps

[La Lettre] Un bel été ne fait pas le printemps

Bilan étape post-crise

La crise sanitaire semble marquer le pas. Sur la lancée d’une très bonne saison, septembre apporte la satisfaction de la reprise et du retour de la confiance en l’avenir.

L’Agence du tourisme de la Corse a confirmé ce que les professionnels ont fait remonter du terrain : la Corse a tiré son épingle du jeu en termes de fréquentation saisonnière et de taux d’occupation des lits marchands, bien plus qu’en 2020 (la moindre des choses) mais moins, semble-t-il, qu’en 2019. À une écrasante majorité, la clientèle a été nationale. L’arrière-saison laisse entrevoir de belles promesses d’allongement. Septembre s’apparente à un été indien peuplé de visiteurs et on croise les doigts pour qu’octobre lui ressemble.On espère des arrivées de dernière heure grâce aux opérateurs aériens que la CCI de Corse avait sollicités pour reconnecter l’île à son économie touristique. Même les indicateurs maritimes (hausse de 16 % durant la première quinzaine de septembre) laissent présager une bonne arrière-saison. Mais cela dépendra aussi des prévisions météorologiques et du comportement du virus et de ses variants venus d’on ne sait où.

FAIRE ÉVOLUER L’OFFRE ET L’IMAGE DE LA CORSE

Son costume de présidente de l’ATC est neuf mais Angèle Bastiani n’a pas attendu longtemps pour détailler publiquement sa feuille de route, au moins à court terme, militant pour un tourisme plus diversifié dans son offre et plus déconcentré dans ses territoires dans le droit fil de ce que promeut le nouveau président de l’Adec (voir par ailleurs). Dans son esprit, il s’agit tout à la fois d’élever le niveau d’acceptabilité de l’activité touristique auprès de la population, de réduire les conséquences négatives sur l’environnement et donc d’éviter la surfréquentation des sites remarquables, d’oeuvrer en faveur de l’étalement de la saison et ainsi éviter de passer sans transition ou presque de la suractivité estivale à la léthargie hivernale. Pour ce faire, il est indispensable de faire évoluer l’offre et l’image de la Corse essentiellement réduite à celles d’une grande station balnéaire en privilégiant les autres ressources d’attractivité et en multipliant les parcours thématiques, le patrimoine, la culture, le bien-être, la gastronomie et la découverte des productions labellisées. Angèle Bastiani, élue en Balagne, promet encore pour la prochaine saison une « campagne de promotion très innovante » dont le coup d’envoi sera donné en Italie. Ainsi, la saison 2022 est déjà sur les starting-blocks…

CARENCE EN PERSONNEL QUALIFIÉ

En attendant, dans sa globalité, l’économie de la Corse a bien rebondi. Le scénario du pire semble écarté, l’activité reprend des couleurs un peu partout, la menace d’écroulement de l’emploi s’éloigne, mais le moral des entreprises est-il vraiment au beau fixe ? 

Il faudra encore patienter pour se réjouir pleinement. 

Les aides de l’État, les mesures à la fois individuelles et collectives prises par la Collectivité de Corse et la CCI de Corse, ont évité la catastrophe. Mais il reste du chemin à parcourir pour que le gouvernement prenne le dossier corse à bras-le-corps et admette qu’il faut des actes forts et spécifiques pour notre territoire comme l’a réclamé, récemment encore, notre président en s’adressant au gouvernement.

Non, tous les feux ne sont pas encore au vert. Malgré un rayonnement retrouvé, le tourisme – revers de la médaille – a manqué de personnel qualifié, parfois de personnel tout court, et des restaurants hôteliers ont dû, au mieux, supprimer des services, au pire, fermer. Quant au BTP, indicateur ancien mais fiable de la bonne santé d’une économie, il se heurte de plus en plus à des problèmes d’approvisionnement et à une pénurie de matériaux de base qui fait flamber les prix.

LES RÉPONSES GOUVERNEMENTALES TARDENT…

Même le directeur régional de Pôle Emploi a admis, à l’occasion d’une conférence de presse tenue à la mi-septembre, que la liste des secteurs où les bras font défaut est bien trop longue, sur les chantiers, chez les artisans du bâtiment, dans les cuisines et les hébergements. Près de 1 500 offres d’emploi n’ont reçu aucun retour. On le constate, tout le monde ne regarde pas l’économie insulaire avec les mêmes lunettes roses que la Banque de France en Corse. Et on ne sait pas encore ce que la conjonction d’un virus qui reprendrait du poil de la bête et de la campagne des présidentielles peut déclencher comme conflits sociaux. Alors oui, les entreprises corses ont retrouvé des couleurs sous le soleil estival. Ce n’est que justice car elles ont beaucoup trop souffert de la crise sanitaire. La dernière nouvelle c’est qu’au moment où le « quoi qu’il en coûte » touche à sa fin, un comité départemental s’est constitué sous l’égide de l’État pour accompagner les entreprises les plus fragiles. Ils ont pour interlocuteur désigné un fonctionnaire de la direction des finances publiques.

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Mais l’horizon n’est pas sans nuages persistants. Ce n’est pas la récente visite du président de l’Exécutif de Corse à Matignon qui a favorisé l’amorce de réponses concrètes au plan Salvezza è Rilanciu de la CdC coconstruit avec la CCI. Même les trois propositions fondamentales faites par notre président au ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt, notamment sur les modalités de reconversion du PGE pour soulager les entreprises (plus d’un milliard de dettes) ont été écoutées mais pas encore entendues.

On n’est pas sorti de l’auberge.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°14 (Octobre 2021) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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