[CORSE-MATIN] Le poids de la dette obscurcit l’horizon économique 2022

[CORSE-MATIN] Le poids de la dette obscurcit l’horizon économique 2022

Remboursement du PGE, risque de défaillance d’entreprises, financements du PTIC revu à la baisse et panne de main-d’oeuvre. Confrontés à ces réalités conjoncturelles, les acteurs économiques savent qu’ils doivent miser sur le développement et notamment sur l’innovation.

Lorsque le monde économique et le monde politique parlent d’une seule voix, le discours sonne encore plus grave et les objectifs semblent plus pressants. Hier, pour la deuxième fois en un semestre, les acteurs économiques de la Cab avaient rendez-vous avec les réalités du territoire. Autour du président de l’intercommunalité, Louis Pozzo di Borgo, les présidents des chambres consulaires, le Medef et l’Adec, ont posé sur la table, problématiques et projets, pour évoquer la conjoncture et construire une politique de proximité.

« Le mur de dettes se rapproche »

Après une saison estivale « encourageante » et un semblant de relance amorcé, l’horizon de ces prochains mois pourrait être moins dégagé en Corse. « Nous allons vers quelques mois difficiles avec ce mur de dettes qui s’approche », a reconnu Louis Pozzo di Borgo faisant référence aux prêts garantis par l’État (PGE) et aux reports de charges sociales accordés pour soutenir les 6 500 entreprises touchées par la pandémie de coronavirus. « Nous avons retrouvé un niveau d’activité comparable à celui de 2019 mais si on se projette, il reste 1,4 milliard de dettes qu’il va falloir payer dans un temps réduit », poursuit Alex Vinciguerra.

Le président de l’Agence de développement de Corse (Adec) livre, démonstration à l’appui, que le remboursement de cette dette aura des répercussions sur la dynamique économique du territoire et la compétitivité des entreprises. « Celles qui remboursent le PGE ne pourront pas investir. Et sur les 6 500 entreprises qui y ont souscrit, un bon millier va se trouver en difficulté pour le rembourser. » La défaillance des entreprises et le risque d’inflation, avec une remontée des taux bancaires, préoccupent les acteurs économiques. Selon le Medef, seules 20 % des entreprises auraient soldé à ce jour leur PGE.

Et si l’année 2022 pourrait être difficile pour la Corse, c’est aussi parce qu’elle sera la grande absente du plan France relance 2030. Et pour cause, rares sont les entreprises insulaires en capacité d’entrer dans la course de l’innovation, de l’industrialisation ou de l’indépendance environnementale. Faut-il alors imaginer une nouvelle politique économique régionale pour faire rentrer la Corse dans cette dynamique ?

La panne en matière d’ingénierie de projets restera alors à corriger sur le territoire pour y concourir, comme a fait remarquer la CCI.

« Imaginer une politique de sortie de crise »

Du côté de la région, on travaille déjà à un plan de sauvetage qui repose « sur la mise en oeuvre d’outils financiers afin de diminuer le risque pris par les banques ». Prêts participatifs ou avances remboursables pour aider les entreprises à consolider leurs dettes auprès des banques, toutes les formules sont à l’étude. Un rapport sera présenté en ce sens lors de la prochaine session de l’Assemblée de Corse.

« Il faut imaginer des politiques de sorties de crise », insiste le président de l’Adec. « Il ne suffira plus d’appuyer sur ce qui fonctionne le plus vite », note Philippe Albertini conscient que la crise a induit de profonds changements. « Qui pouvait imaginer que la limite économique actuelle serait le manque de main-d’oeuvre pour que les acteurs économiques puissent opérer ? » Un chapitre ouvert également par Charles Zuccarelli, président du Medef, qui donnera lieu à de prochains échanges.

Les programmes d’espaces dédiés à l’innovation menés par la Cab s’inscrivent dans ce droit fil. Après la fabrique à projets Avvià pour répondre aux attentes des entreprises et éviter leur fuite du territoire, le futur « pôle innovation » qui devrait voir jour fin 2023 sur le port de Toga illustre la vision de l’entrepreneuriat de demain désireux d’aller sur de nouveaux marchés.

Un PTIC moins généreux

Autre pierre d’achoppement qui pourrait freiner le développement économique du territoire : les soudains coups de freins actionnés par l’État. Modulations des règles, variations des taux, le plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC) signée au printemps dernier à Bastia sera-t-il fidèle à ses promesses ?

« Nous attendons l’aboutissement de plusieurs dossiers majeurs mais nous rencontrons des contretemps liés à des changements de règles. Au départ, étaient annoncés des financements à hauteur de 80 % mais ils oscillent finalement entre 30 % et 70 % ce qui est forcément loin de nos attentes et notre PPI en est fragilisé. On nous demande aussi que nos projets soient viables économiquement mais dans le service public tout ne l’est pas ! » Ce revirement pourrait-il retarder ou contraindre la Cab, comme d’autres collectivités, à annuler des programmes ? Devront-elles partir en quête d’autres financeurs ? Pour l’heure, aucun changement de cap n’a été annoncé.

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EN CHIFFRES

1,3 milliard

C’est le montant des prêts garantis par l’État (PGE) accordés en Corse pour traverser la crise sanitaire alors que le PIB de l’île pèse moins de 10 milliards par an (il était de 9,4 milliards d’euros en 2018 selon l’Insee).

JULIE QUILICI-ORLANDI