[La Lettre] “Les nouveaux élus ont une légitimité forte”

[La Lettre] “Les nouveaux élus ont une légitimité forte”

Séminaire d’intégration : l’analyse de l’expert Remco Wallig

Spécialiste en ingénierie économique et juridique, longtemps directeur général de chambres de commerce et d’industrie, Remco Wallig était la personne idéale pour piloter le séminaire cortenais. D’autant que pour cet éminent consultant, la Corse est un terrain familier… 

Avez-vous été surpris d’apprendre que la Corse détient, et de loin, le record national de participation à l’élection consulaire ? 

Je ne le suis pas. Dans les territoires qui ont une identité forte et dans lesquels les CCI ont accompli un travail de proximité exceptionnel, particulièrement pendant la crise sanitaire, on vote plus massivement. Mais la Corse, elle, se singularise par un taux de participation remarquable. J’y vois une forme de reconnaissance exprimée par les ressortissants et une légitimité accrue pour les nouveaux élus. 

Comment expliquer la désaffection constatée partout ailleurs ou presque ? 

Le réflexe citoyen est usé jusqu’à la corde. Lorsque, aux municipales, les urnes sont boudées à 65 % voire plus, il y a quelque raison de s’inquiéter. En ce qui concerne les CCI, la nébulosité pour ne pas dire l’obscurité qui entoure le mode de scrutin explique en grande partie cette abstention virale. 

Quelle est le degré d’utilité des CCI alors que leurs ressources ne cessent de se réduire comme peau de chagrin ? 

Malgré la baisse dramatique de leurs ressources, les chambres de commerce et d’industrie ont démontré qu’elles avaient du ressort et qu’elles continuaient à faire leur boulot, soutenir l’économie locale contre vents et marées. 

Vous avez animé le séminaire d’intégration des nouveaux élus. Quels messages souhaitez-vous qu’ils retiennent en priorité ? 

D’abord, qu’ils aient conscience des contraintes juridiques. Ils entrent dans un autre monde. Quand un chef d’entreprise se réveille le matin en pensant à une idée, un projet, une nouvelle implantation, un nouveau produit, il ne se demande pas s’il a le droit de le faire, il le fait. Dans une collectivité publique comme la CCI, quand le chef d’entreprise élu veut faire quelque chose, il est indispensable qu’il se pose la question. C’est la garantie que l’argent public est bien employé. Ensuite, qu’ils aient conscience que siéger au parlement économique de la Corse, c’est un honneur et un challenge de tous les jours ! 

La crise sanitaire n’a-t-elle pas révélé, ici plus qu’ailleurs, le décalage qui pouvait exister entre les mesures nationales et les spécificités locales ? 

Ce n’est pas aux Corses que je vais apprendre que nous vivons dans un État d’essence jacobine malgré toutes les réformes en matière de décentralisation. Des mesures prises pour l’ensemble du territoire national ne peuvent pas s’appliquer avec le même degré d’efficacité dans des régions très différentes les unes des autres et la Corse tout particulièrement ne serait-ce qu’en raison de son insularité, de l’absence de ressources naturelles et d’un réseau de communication peu aisé. 

Dès lors, que pensez-vous de l’aspiration de la CCI de Corse de s’affranchir du réseau national pour passer sous la tutelle de la Collectivité de Corse ? 

N’étant pas jacobin, je crois qu’il convient d’aller le plus loin possible dans l’adaptation des institutions à leur territoire. J’ai longtemps travaillé dans l’archipel de Mayotte et l’idée d’en faire le copié-collé d’un département métropolitain, alors qu’il est différent en tout, s’est avérée catastrophique. Alors oui, c’est une excellente idée et j’apprécie que le ministre des Finances l’ait encouragée. Ce doit être plus qu’un rapprochement, un compagnonnage, même si le terme n’a rien d’institutionnel. En revanche, je ne suis pas sûr que ce modèle soit transposable ailleurs. 

Comment une CCI peut-elle se situer dans un paysage administratif où tout le monde, de la commune à l’UE en passant par les départements, les régions, les intercommunalités et l’État, s’occupe d’économie ? 

C’est le millefeuille que j’ai évoqué au cours du séminaire. Tout le monde fait de l’économie mais personne ne le fait de même façon, avec la même proximité. Si la Région est le pivot du développement, la CCI en est la clé de voûte. Elle représente tous les acteurs économiques qui travaillent ensemble pour l’économie, leur économie. 

Dans une écrasante majorité, les entreprises corses aspirent à un changement de modèle qui privilégie l’environnement, l’innovation et les circuits courts. C’est jouable, selon vous ? 

Oui, parce que les CCI ont une qualité que les autres couches du millefeuille n’ont pas ou à faible dose, elles sont pragmatiques. Il n’y a pas de calcul politique ou de brides idéologiques, elles vont à l’essentiel dans le seul intérêt de leurs ressortissants. La crise sanitaire a fait ressortir les vertus des circuits courts et fait en sorte que le petit commerçant dans son village de montagne n’était pas condamné à l’isolement. Le pragmatisme se nourrit de la connaissance des hommes et du terrain. Par les initiatives qu’elle a prises depuis dix-huit mois, la CCI de Corse a montré sa capacité à oser un nouveau cap. C’est un atout inestimable que les ressortissants l’encouragent à le faire. 

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°16 (DECEMBRE 2021) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE 

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