[CORSE-MATIN] CCI de Corse : un dossier crucial pour l’avenir de l’institution

[CORSE-MATIN] CCI de Corse : un dossier crucial pour l’avenir de l’institution

L’assemblée générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse a été longuement consacrée au délicat sujet du passage sous tutelle de la CdC. Une question cruciale dont dépend le devenir de la représentation consulaire comme celui des ports et aéroports de l’île.

Assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie de Corse hier à Bastia. Pour leur première réunion plénière de l’année, les élus consulaires ont eu droit à un ordre du jour riche : conjoncture économique, diminution de la ressource fiscale, avenir du palais des congrès d’Ajaccio… Mais c’est la question du transfert de tutelle – « la » grande affaire du moment – qui a bien entendu été au coeur des discussions. Un gros dossier sur lequel repose ni plus ni moins que l’avenir de l’institution.

En 2018, à l’occasion de la venue sur l’île du ministre des Finances, Bruno Le Maire, les élus ont obtenu que la CCI de Corse puisse bénéficier d’un statut dérogatoire dans lequel son autorité de tutelle ne serait plus l’État mais la Collectivité de Corse. Ce transfert de tutelle – consacré l’année suivante par l’article 46 de la loi Pacte – répond à un double objectif. Le premier consiste à échapper à la réforme des organismes consulaires, engagée au niveau national. Une réforme qui se traduit notamment par une baisse substantielle des dotations d’État et qui se solderait immanquablement par une réduction drastique des effectifs. Dans le cas de la CCI de Corse, ces dotations auraient déjà diminué de 60% au cours des trois dernières années.

Se mettre à l’abri des grands groupes

L’autre objectif, intimement lié au premier, consiste à s’assurer que la Chambre continuera d’exploiter les sept ports et quatre aéroports de l’île après le 31 décembre 2024, date à laquelle expire la concession qui lui a été accordée par la CdC, propriétaire desdits ports et aéroports.

Un enjeu crucial car les taxes portuaires et aéroportuaires fournissent à la CCI 100 millions d’euros chaque année, soit l’essentiel de ses ressources. « Le danger c’est qu’à l’expiration de la concession, l’exploitation des ports et aéroports soit soumise à un appel d’offres et qu’elle tombe entre les mains de grands groupes comme Eiffage ou Vinci, comme on a pu le voir récemment à Cannes où la Chambre de commerce a perdu la gestion de son port au profit d’un groupe franco-américain, explique Stefanu Venturini, membre du bureau de la CCI de Corse et président des ports. Outre la perte de ressources que cela représenterait pour nous, outre les conséquences que cela ne manquerait pas d’avoir sur la situation de nos 800 agents, le danger serait celui d’une gestion des transports axée sur la recherche du profit privé et non sur l’accessibilité de l’î1e. »

Pour éviter que cela se produise, une solution : trouver un montage juridique permettant à la CdC de concéder à la CCI l’exploitation des ports et aéroports, de gré à gré, c’est-à-dire sans passer par une mise en concurrence. C’est à cela que les deux institutions travaillent, avec l’aide d’EY, un cabinet de conseil international. Celui-ci a récemment remis à ses commanditaires une étude dans laquelle trois scenarii sont envisagés.

Le premier prévoit que la chambre conserve un statut inchangé, la CdC remplaçant l’État dans son rôle de tutelle. Problème : au regard de la jurisprudence européenne, cela ne permettrait pas de se dispenser d’une mise en concurrence.

Un deuxième scénario prévoit au contraire la disparition pure et simple de la CCI et son absorption par la CdC, comme cela s’est produit en 2018 pour les départements. Mais dans ce cas, la gouvernance échapperait totalement aux représentants élus du monde du commerce, ce que ne veut personne.

« Aucune volonté hégémonique »

Reste le scénario intermédiaire : celui de la création d’un établissement public spécifique, placé sous la responsabilité de la Collectivité de Corse. Elle permettrait de mettre en place un système dans lequel les orientations stratégiques seraient fixées par la CdC mais la gestion opérationnelle des ports et aéroports resterait entre les mains des représentants du monde consulaire. Elle permettrait surtout d’analyser la gestion des ports et aéroports comme une « quasi-régie » (ou « in house ») et de pouvoir ainsi se passer d’une procédure d’appel d’offres.

C’est cette troisième hypothèse qui est aujourd’hui sur la table de travail même si, à la CCI, on se garde bien de trop en dire. « Une présentation de l’étude a été faite et on va voir comment les choses vont évoluer, indique Jean Dominici, le président de la chambre. Pour l’instant, aucun des trois scenarii proposés ne nous convient totalement mais nous avançons. Les discussions avec Gilles Simeoni se passent très bien. Elles se déroulent dans l’écoute de l’autre et sans volonté hégémonique… »

On verra dans les prochains mois comment les choses se dessinent. Une certitude toutefois, s’agissant de procédures très lourdes, le temps est déjà compté.

PIERRE NEGREL