La Lettre | “Un mariage dont la Corse ne peut se passer”

La Lettre | “Un mariage dont la Corse ne peut se passer”

Transfert des Chambres Consulaires (suite) 

La prise de parole consécutive à la présentation du rapport d’information par l’Exécutif a permis de mesurer le niveau élevé d’adhésion des élus et des groupes politiques auxquels ils sont affiliés. Le scénario choisi par la majorité n’a pas soulevé un engouement démesuré sur tous les bancs dans l’attente d’un approfondissement, mais le principe est validé à une écrasante majorité. D’une part, la menace de la disparition de la CCI de Corse en cas de statu quo est prise très au sérieux, d’autre part, les élus reconnaissent unanimement son expérience et sa faculté à bien gérer les ports et aéroports. Seule une élue de l’opposition, Christelle Combette, privilégie le maintien de la tutelle de l’État tout en suggérant, le cas échant, une remise à plat des missions des acteurs institutionnels de l’économie entre la CCI et l’Adec « afin qu’elles ne se marchent pas sur les pieds. » Jean-Martin Mondoloni, plus approbateur, souhaite une « évaluation opérationnelle » avant d’ajouter un établissement public supplémentaire. Leur collègue Cathy Cognetti, qui salue le travail efficace de proximité des chambres consulaires, a un avis tranché : « C’est un mariage dont la Corse ne peut pas se passer ! » 

LA PRÉSIDENTE DE L’ASSEMBLÉE : "LA MEILLEURE SOLUTION"  

Jean-Christophe Angelini exprime son hostilité à l’éventualité du grand groupe privé qui fait main basse sur les concessions portuaires et aéroportuaires mais il demande un débat plus fouillé sur la future gouvernance de l’établissement public qui serait créé : « Je suis favorable à ce rattachement mais les chefs d’entreprises et les artisans doivent être maintenus au coeur du réacteur. » Paul-Félix Benedetti estime que le scénario peut générer des économies d’échelle mais il met en garde contre la tentation d’une régie péremptoire des ports et aéroports afin de ne pas affaiblir « la gestion efficiente des chambres. » Dans le même esprit, Jean Biancucci, qui adhère pleinement au projet, milite pour la sacralisation de la barrière  « entre économie et politique. » 

En préambule du débat, la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, avait mis en exergue le consensus que suscite le scénario vers lequel s’oriente le Conseil exécutif. Elle a tenu à témoigner, comme ex-présidente de l’ATC, de « l’action courageuse, solidaire et utile de la CCI de Corse et de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat au moment où la crise sanitaire rendait la chute vertigineuse des activités dramatique et l’avenir miné par l’incertitude. » À titre personnel, elle considère ce transfert « comme la solution la meilleure et la plus innovante pour le paysage consulaire. »

En conclusion, Gilles Simeoni fait une synthèse rassurante : le transfert assurera la pérennité des chambres consulaires, la pérennité des emplois et du statut des personnels, la pérennité des prérogatives des ressortissants. « Les deux chambres et leurs syndicats ont pris une délibération unanime dans ce sens. Il y a devant nous tout un travail législatif à accomplir en concertation avec l’État… »

Les voyants sont au vert pour poursuivre dans cette direction…

Le scénario qui tient la corde...

Dans ce que Gilles Simeoni appelle le « scénario-cible » parce qu’il a sa préférence et que c’est l’objectif… visé, les deux maisons consulaires (CCI et CMA) sont absorbées par un établissement public créé sur le modèle des agences et offices. Il implique, en effet, l’intervention du législateur pour institutionnaliser le transfert des compétences et des ressources. Une organisation bicéphale pourrait être envisagée avec, d’une part, une assemblée regroupant les collèges représentatifs des différentes catégories des ressortissants (entreprises et artisans) de laquelle serait issu un « Comité exécutif » chargé de la mise en oeuvre opérationnelle et, d’autre part, un « Comité stratégique », émanation de la Collectivité de Corse, qui détiendrait les pouvoirs de décision et de contrôle.

DSP maritime : la mer à boire

La Corse apprend à son détriment qu’en matière de transport, rien n’est acquis. Y compris l’évidence d’être une île. Les échanges sur l’intégration de la CCI et de la CMA se sont emboités dans le mécanisme, encombré de grains de sable, des transports de service public. Pour un territoire insulaire, des liaisons régulières en toutes saisons sont vitales, par la mer et par les airs, mais la Commission européenne s’interroge sur le bien-fondé des dispositifs délégataires. Peut-être pour les marchandises. La remise en question, par effet domino, fragilise la dotation annuelle de la Continuité territoriale par l’État (187 millions) dont l’utilisation même du reliquat, pour les routes par exemple, est contesté. D’autre part, la Collectivité de Corse doit digérer un passif financier relatif à des procédures judiciaires en série alors qu’elle envisage de créer une société d’investissements pour acquérir sa « propre » (sens environnemental compris) flotte de navires. Les trois années à venir doivent successivement déboucher sur la nouvelle DSP maritime, la nouvelle DSP aérienne et la fusion des chambres consulaires. Trois défis forcément liés… 

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°18 (FEVRIER 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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