La Lettre | Rencontre : Flora Mattei, tête de pont…

La Lettre | Rencontre : Flora Mattei, tête de pont…

Ingénieur des Ponts et Chaussées, la jeune Bastiaise préside l’Office des Transports et devra à ce titre piloter, avec ses équipes, la mise en oeuvre de politiques publiques pour l’articulation des transports aériens, maritimes et ferroviaires.

Commençons par une petite devinette. Quel est le dénominateur commun entre un bateau (bleu, jaune, rouge ou avec Tex Avery) qui dessert la Corse, une secousse sismique, le Bay Bridge de San Francisco, et … la Sonate au clair de lune de Beethoven ? Pour paraître improbable, la convergence existe bel et bien. Elle s’incarne en une jeune femme, issue de la génération montante, dynamique et au bagage scientifique solide. Son nom : Flora Mattei. 

Elle est conseillère exécutive en charge des affaires européennes et présidente de l’Office des Transports. Le lien, il se tisse naturellement en retraçant son parcours personnel, universitaire, professionnel et désormais, politique. 

Native de Bastia, Flora Mattei est originaire du Nebbiu et du Cap Corse. C’est sans doute le vent – jamais à court de souffle dans ces régions – qui l’a poussée vers des horizons plus lointains. Après sa Prépa Maths Sup/Spé à Ajaccio, direction Paris où elle intègre l’École Normale Supérieure. Lorsque la normalienne passe avec succès son agrégation de génie civil, elle n’a que 23 ans.

SÉJOURS PARASISMIQUES EN CALIFORNIE

Son stage de fin d’études, elle l’accomplit en Californie, au sein de la célèbre Université de Berkeley. Là, elle se familiarise avec la dynamique des infrastructures (bâtiments, ponts, etc…). 

C’est l’endroit, oserait-on dire, idéal pour cette spécialisation puisque cet État est traversé, outre ses ponts gigantesques par l’une des plus grandes failles tectoniques de la planète. Elle fait ses premiers pas dans le monde du travail en France, notamment au sein du groupe Egis, acteur du conseil en bâtiment et de l’ingénierie de la construction, où elle rejoint une équipe en charge de structures complexes. « À l’époque, nous préparions l’Euro 2016 et j’ai travaillé sur plusieurs projets de grands stades, notamment le Vélodrome de Marseille. Je suis ensuite retournée aux États-Unis pour travailler en tant qu’ingénieur de projet pour la réhabilitation du patrimoine historique architectural de San Francisco. J’y suis restée deux ans et demi… »

L’opportunité de retour, en 2016, a pris la forme d’un poste de professeur à l’Université de Corse où elle enseigne aujourd’hui encore, « toujours en équipe », plusieurs disciplines de son domaine de prédilection, notamment à l’école d’ingénieurs Paoli Tech. Sa rigueur, ses analyses de situations parfois complexes, son aptitude à prendre du recul, ont dû contribuer à sa désignation à la présidence de l’Office de Transports. En candidate d’ouverture assumée, aux côtés de Gilles Simeoni, elle a la volonté de s’investir pour son île. Consciente des difficultés qui l’attendent, elle assure qu’elle fera au mieux pour faire avancer les choses dans le bon sens.

"UNE DESTINATION CORSE ATTRACTIVE, DURABLE ET RAISONNÉE" 

Acté récemment à l’Assemblée de Corse, le principe de rattachement des chambres consulaires à la Collectivité de Corse amène Flora Mattei à interagir avec les services de la CCI de Corse et son président Jean Dominici pour concevoir l’architecture du projet : « Pour une île, les ports et les aéroports constituent à la fois la porte d’entrée et la vitrine. L’objectif est de rendre la destination corse attractive, exemplaire et raisonnée par l’étalement de la saison estivale. Nous y parviendrons grâce à une offre maîtrisée, qualitative et diversifiée avec une fréquentation lissée sur toute l’année. Nous aurons à travailler de concert avec l’ATC, l’ADEC et la CCI et de nombreux autres partenaires pour un optimum d’efficacité et davantage de transversalité. J’ai toujours été animée par un esprit collectif. Pour les transports et les autres défis que la Corse doit relever, dans un monde post-Covid et post-carbone, sans être unis, nous n’irons pas bien loin. » 

La présidente de l’Office des Transports connaît les programmes de modernisation, de sécurisation et de réduction d’empreinte carbone mis en oeuvre notamment pour l’ensemble des infrastructures aéroportuaires, propriétés de la Collectivité de Corse. « La labellisation ACA qui distingue nos infrastructures aéroportuaires pour la réduction des gaz à effet de serre, dont le niveau 2 devrait être atteint d’ici la fin de l’année et le mix-énergétique vont dans le sens des préconisations du GIEC et dans celui de la destination souhaitée, celle d’une Corse regardée comme un modèle d’exemplarité méditerranéenne. »

Flora Mattei connaît les difficultés qu’engendrent la configuration insulaire et sa dépendance aux transports pour la connecter au reste monde. Elle ose rêver d’un pont aérien 100% latin, trait d’union entre la Corse, la Toscane et la Sardaigne. Pour l’heure, elle fait face au rythme effréné imposé par l’élaboration de la prochaine délégation de service public maritime. « Les Corses doivent savoir que rien n’est acquis, ni nos avancées dans la tarification aérienne résidente ni la stabilisation du prix du fret maritime par la couverture carburants. Nous devrons encore nous battre pour une qualité de service public, pour que les Corses puissent se déplacer comme le ferait n’importe quel citoyen d’Europe continentale dans une logique implacable de continuité territoriale ».

Pour cela, la pianiste amatrice, qui aime interpréter le répertoire romantique, doit peaufiner ses gammes et arguments – fondés – avec une précision métronomique car les variations européennes dans ce domaine, c’est un peu comme la tectonique des plaques : il faudra appréhender ce type de secousses dont Bruxelles est l’épicentre.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°19 (MARS 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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