[CORSE-MATIN] Le chantier de la construction d’une autonomie économique

[CORSE-MATIN] Le chantier de la construction d’une autonomie économique

Après une heure d’entretien avec le maire de Bastia, Gérald Darmanin s’est rendu à l’hôtel consulaire en présence du nouveau « Monsieur Corse » désigné par la place Beauvau pour ouvrir le volet économique. Sur la table, de nombreuses propositions à étudier. À chiffrer

Pour un rendez-vous qui s’est rajouté, in extremis, au programme initial, la rencontre avec les socioprofessionnels et les élus consulaires aura été un temps fort de l’étape bastiaise du ministre de l’Intérieur. D’aucuns pourront dire qu’il s’y est même attardé, prolongeant d’une heure sa visite.

Autour de la table, prêts à échanger avec les ministres, ils étaient tous là. Une dizaine d’élus consulaires, deux parlementaires, deux préfets, aux côtés du président Gilles Simeoni et du président de la CCI régionale, Jean Dominici. Les socioprofessionnels aussi ont pris place pour lever le voile sur la réalité du monde économique insulaire. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air, l’union des entreprises de proximité (U2P), la confédération des petites et moyennes entreprises, Strada corsa et les transporteurs des syndicats SPTC, FNTV. Ces mêmes qui, lundi, rédigeaient un communiqué commun pour prôner le retour au calme sur l’île. « Le temps est venu de donner un espace au dialogue et à la concertation », déclaraient-ils. Une requête entendue car, hier, tous ont pu livrer leur ressenti. Exposer leurs contraintes et les exigences imposées par l’insularité.

Un nouveau « Monsieur Corse » désigné place Beauvau

Face à eux, se sont présentés un ministre de l’Intérieur « à l’écoute » et un conseiller ministériel attentif. En ce dernier jour du déplacement en Corse de Gérald Darmanin, à retenir comme celui d’une véritable amorce, celle enclenchée entre la Corse et les acteurs politiques et économiques insulaires, ils ont également reçu des assurances. À commencer par celle d’avoir à présent un interlocuteur tout désigné en la personne de Grégory Canal. Le nouveau « Monsieur Corse » de la place Beauvau en somme. En février dernier, il prenait la tête de la sous-direction du ministère de l’Intérieur. Il est désormais affecté à la question corse avec une série de réunions de travail déjà programmées. « Il doit revenir à Bastia la semaine prochaine », soulignent des élus consulaires.

Pour l’ancien ministre des Comptes publics, rompu à l’exercice des mécanismes fiscaux, l’entretien a rapidement débordé sur des considérations d’ordre technique. « Certains y ont vu une chance pour la Corse », confiait-on à peine la réunion terminée. D’autant que sur la table, avait été posée une nouvelle promesse : « Je reviendrai à la CCI et on va travailler toutes ces questions », aurait assuré Gérald Darmanin.

Ces points, quels sont-ils ? « Des adaptations fiscales favorables au renouveau d’une économie de production locale de biens et de services. Cela peut être la poursuite et l’élargissement du crédit d’impôt à l’investissement et des avantages fiscaux à l’export. Une baisse des charges sociales dans les entreprises de production. C’est un enjeu fort à coupler à une dimension sociale peut-être plus importante chez nous qu’ailleurs, car la Corse est la région de France où les salaires sont les plus bas et où le prix de la vie est le plus élevé », souligne Alex Vinciguerra, le président de l’Agence de développement économique de la Corse.

Dans leur globalité, ces propositions recouvrent l’ensemble des handicaps et contraintes qui pèsent sur l’économie de la Corse : insularité, étroitesse du marché et saisonnalité. Avec également une évolution consulaire à écrire en tenant compte des spécificités locales. Tour à tour ont été évoqués, les deux études GoodWill Management sur les coûts cachés de l’insularité, le rapport de l’inspection générale des finances sur l’économie corse du XXIe siècle, le Plan Salvezza è Rilanciu de la Collectivité. « Nous avons toujours objectivé, chiffré et qualifié tant les difficultés que rencontrent nos ressortissants que les projets de solutions économiques que nous avançons », a souligné Jean Dominici, livrant un ensemble de propositions à intégrer au grand chantier de la construction future d’une autonomie économique. « Chacun a pu s’exprimer lors de ces échanges, déclare Jean-Charles Martinelli, président de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat de Corse. Nous avons présenté les liens qui nous unissent à toutes les forces vives de l’île pour relancer notre économie. On a parlé du crédit d’impôt, des transports… Les échanges ont été satisfaisants mais est-ce que sera mis en oeuvre tout ce qui a été dit, l’avenir nous le dira. Nous aurions cependant souhaité que ce dialogue entre l’État, la CdC et les forces vives de ce pays intervienne plus en amont »

Un statut fiscal et social : « un besoin » pour l’île

La seconde étape consiste à lancer un diagnostic partagé afin de mesurer et évaluer la faisabilité des dispositifs inventoriés sur un temps proche d’abord. Puis viendra l’étape de la réforme institutionnelle. Et cela commence par tester les dispositifs existants et ceux qui font toujours défaut. « Nous avons besoin d’un régime fiscal et social spécifique. Osons clairement le mot, d’un statut fiscal et social non pas avantageux, contrairement à ce que l’on peut entendre trop souvent, mais qui mette simplement à parité de chance et d’exposition aux charges publiques, les entreprises et commerces de Corse avec leurs homologues continentaux », a insisté le président de la CCI régionale.

« Nous sommes à l’orée d’une démarche de construction, d’une économie corse nouvelle, on espère avec des atouts qui vont nous être donnés, ou mieux donnés », a conclu le conseiller exécutif Alex Vinciguerra. Après deux heures d’échanges et la promesse de se revoir, d’aucuns reconnaissaient qu’un acte majeur venait de se jouer. Restait à le poursuivre. Pour le député Jean-Félix Acquaviva, le ministre a manifesté « une volonté d’ouvrir le dialogue sur des sujets posés, sur la situation économique et sociale comme les leviers fiscaux à enclencher. Et ce, comme il l’a dit plusieurs fois, dans le cadre de la construction d’un futur statut d’autonomie ».

JULIE QUILICI-ORLANDI