La Lettre | Entretien avec Gilles Simeoni : “Economie et institutions vont de pair”

La Lettre | Entretien avec Gilles Simeoni : “Economie et institutions vont de pair”

À quelques jours de la reprise des discussions à Paris, le président du Conseil exécutif de Corse réaffirme la volonté d’intégrer l’économie et le social au processus engagé sur le statut d’autonomie.

■ Dans quel état d’esprit êtes-vous à la veille de cette reprise des discussions avec le gouvernement ?

Mon état d’esprit est identique à celui prévalait au moment où la discussion a été suspendue, la conscience qu’il est de notre devoir à toutes et à tous, en Corse comme à Paris, de réussir ce processus et de lui donner la vocation historique qu’il se propose d’avoir. Je suis particulièrement déterminé et porté par la volonté de faire prendre en compte l’intérêt de la Corse et l’intérêt des Corses. Les événements continuent de peser, ils ont contribué à la genèse de ce processus. Mais il faut regarder devant, ne pas laisser passer ce rendez-vous, encore une fois, historique, et rattraper le temps perdu depuis le début du quinquennat qui vient de s’achever.

■ Justement, ce serait un problème si Gérald Darmanin, mandaté par le Président de la République, interrompait sa mission dans un futur proche ?

Il y aurait, à l’évidence, un problème de continuité dans la mise en oeuvre des engagements pris. À l’époque, Gérald Darmanin avait clairement et publiquement dit que la mission qui lui avait été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre avait vocation à s’inscrire dans la durée en cas de victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle. On peut donc légitimement penser qu’il sera confirmé et maintenu dans les responsabilités qui lui ont été dévolues pour traiter de la question corse.

■ Dans quelle mesure le statut d’autonomie, qui sert de base aux négociations, pourrait changer la donne s’agissant du développement économique de la Corse ?

Il n’est pas possible de déconnecter la dimension institutionnelle et l’avancée vers un statut d’autonomie de l’ensemble des modalités opérationnelles, développement économique, question sociale et politique fiscale. Au-delà du fait qu’elle s’inscrit dans le sens de notre histoire, l’autonomie constitue le droit commun de toutes les grandes îles méditerranéennes et de tous les territoires qui ont une culture et une identité fortes pour permettre, justement, de répondre à toutes les problématiques spécifiques notamment liées à l’insularité dont, bien sûr, l’économie, le prix du carburant, la lutte contre la spéculation foncière, les besoins en matière de transports maritime et aérien, etc. Dans tous les domaines du quotidien, l’autonomie a vocation à permettre des avancées concrètes au bénéfice des Corses.

■ Est-ce à votre initiative que le ministre de l’Intérieur est venu à la rencontre des pro-fessionnels au siège de la CCI de Corse ?

Oui, ça fait partie de ce en faveur de quoi j’ai plaidé. Il était normal que Gérald Darmanin s’adresse à tous les élus de la Corse, ceux de la majorité comme ceux de l’opposition, même si le jeu institutionnel veut que ce soit la Collectivité de Corse, garante des intérêts moraux et matériels de la Corse et de son peuple, qui ait une connexion directe avec l’État. Mais le processus de dialogue n’aurait pas la pertinence qui doit être le sien sans intégrer le volet économique, le volet social, le volet sociétal et donc impliquer l’ensemble des acteurs appelés à 

contribuer d’abord au diagnostic, ensuite aux solutions dans tous ces domaines. Les chambres consulaires, les organisations professionnelles, les syndicats doivent être pleinement intégrés dans le processus.

■ Sur quelles demandes particulières et prioritaires êtes-vous en phase avec le président de la CCI de Corse ?

Au coeur de la crise sanitaire et à la sortie de celle-ci, il y a eu un travail commun important, la volonté d’être dans une approche stratégique partagée, entre les dirigeants de la CCI de Corse, d’une part, et la Collectivité et son exécutif, d’autre part, à l’échelon territorial pour trouver les mesures d’urgence les plus à même d’éviter une catastrophe économique et sociale. Si des attentes sont encore fortes, notamment au niveau du gouvernement auprès duquel nous avons fait un certain nombre de requêtes, nous pouvons estimer que ce travail a été salutaire. Dans le cadre du dialogue avec Paris et pour tout ce qui va nous rapprocher à l’avenir, nous avons vocation à réfléchir ensemble, dans le respect des prérogatives et dans la liberté de choix de chacun, à des solutions adaptées aux plans économique et social.

■ Quelle que soit l’issue du processus, la Collectivité de Corse est-elle toujours décidée à intégrer les chambres consulaires à l’horizon 2024 ?

Le rattachement à la Collectivité de Corse, à la différence des solutions préconisées sur le continent, est clairement le scénario institutionnel que nous avons privilégié car c’est celui qui nous semble apporter le plus de garanties pour les deux entités consulaires et leurs personnels mais aussi dans l’intérêt de la Collectivité de Corse et de la Corse. Nous devons persévérer sur le chemin de ce rattachement, en définir les formes les plus adaptées pour répondre au mieux à des enjeux qui sont connus, enjeu social, enjeu d’efficacité, enjeu de maîtrise d’exploitation lié aux infrastructures de transports, aéroportuaires et maritimes. Ces enjeux s’inscrivant dans une logique vertueuse qui doit prévaloir dans la gestion opérationnelle et les dépenses de fonctionnement. Nous devons réussir le transfert de la compétence empirique de la CCI comme gestionnaire qui a fait ses preuves pendant des décennies et l’intégrer dans la stratégie globale de la Collectivité de Corse. C’est un travail quotidien que nous accomplissons main dans la main avec la CCI et la Chambre de Métiers.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°21 (Mai 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

Lire La Lettre