La Lettre | Grande Plaisance : À Ajaccio, le mouillage écologique !

La Lettre | Grande Plaisance : À Ajaccio, le mouillage écologique !

La CCI de Corse, après enquête publique, s’apprête à installer quatre coffres d’amarrage éco-conçus dans le Golfe. Un modèle vertueux et inédit qui permet de protéger les écosystèmes marins, de réduire les nuisances et d’affirmer une gestion publique des flux…

L’innovation, le développement durable, les projets imprégnés de transition écologique. La CCI de Corse les préconise avec ce modèle économique raisonné qu’elle souhaite déployer à l’échelle régionale. Acteur opérationnel incontesté en matière de gestion des flux maritimes, elle ne se confine pas dans les bonnes intentions conceptuelles. Elle passe à l’acte avec un projet pilote* : l’implantation de quatre coffres d’amarrage éco-conçus dans le Golfe d’Ajaccio, l’un des plus prisés de la planète. À l’origine de cette réalisation, un constat objectif : les ports de l’île sont insuffisamment équipés pour accueillir la fréquentation croissante des yachts de plus de 50 m. Les clients de ces yachts optent de plus en plus pour un amarrage en dehors des ports par choix qualitatif de leur séjour. 

Conséquence : l’ancre et sa longue chaîne rava-gent les habitats de la ressource halieutique et la biodiversité des fonds marins, en particulier les herbiers de posidonie, plante emblématique du bassin méditerranéen qui oxygène l’eau et ralentit l’érosion du littoral. Fort de la collaboration conjuguée de scientifiques universitaires, de l’Office de l’Environnement et de la Prud’homie des pêcheurs, la CCI de Corse a échafaudé ce projet doublement providentiel puisqu’il installe, au fond, des récifs artificiels pour la régénération des ressources halieutiques et, en surface, une bouée d’amarrage des yachts. 

Avec le soutien des pouvoirs publics, de la Collectivité de Corse, de l’État à travers la Direction du Littoral et de la Mer, et les encouragements du préfet maritime, notre chambre est passée par la phase de l’enquête publique afin que chacun donne noir sur blanc son avis.

Ce système original de coffres éco-conçus, appelé à servir partout de modèle, en Méditerranée et sous d’autres latitudes, homologue idéalement une gestion publique des flux de la grande plaisance, écartant tout risque de confiscation par des acteurs privés et de potentielles dérives comme cela se produit dans certaines îles voisines.

Quatre coffres, quatre arguments

L’installation de ces quatre coffres d’amarrage éco-conçus fait l’objet de réserves de la part de certaines associations écologiques. Le projet pilote porté par la CCI de Corse témoigne, tout au contraire, de la volonté de rompre avec les mauvaises habitudes, elles-mêmes très « ancrées » et de ne pas céder à la facilité qui consisterait à continuer à accueillir les grosses unités de plaisance au mouillage « sauvage » au profit d’un dispositif qui préserve les écosystèmes marins et côtiers plus que jamais en péril. Quatre arguments démontrent le bien-fondé de la démarche.

I- Pourquoi quatre coffres éco-conçus dans le Golfe d’Ajaccio

Ce projet constitue un acte « révolutionnaire » en matière de préservation de l’environnement et de gestion publique parce qu’il mettra enfin un terme à l’anarchie des mouillages, polluants et non-réglementés, dans cette zone NATURA 2000 qui s’étire sur 48 000 hectares. Et instaure un « quota » en termes de capacité d’accueil des yachts strictement limitée aux ports de plaisance Tino Rossi et Charles Ornano et aux quatre coffres éco-conçus dispersés dans le Golfe. Concomitamment à la réalisation de ce projet pilote, un arrêté du Préfet maritime de Méditerranée doit être prochainement élaboré pour préciser cette interdiction des mouillages des navires de plus de 24 m sur une superficie qui épousera intégralement celle de la zone NATURA 2000. Un arrêté qui constituera également un véritable fondement juridique de nature à sensibiliser les capitaines de yachts respectueux des fonds marins.

II- Des avantages partagés à l’endroit des usagers et des professionnels

Au-delà de la protection de l’herbier de posidonies qui ne subira plus de dommages irréversibles, l’amarrage sécurisé que constitue le coffre éco-conçu donne au capitaine de yachts la possibilité d’arrêter les moteurs, ce qu’il a tendance à ne pas faire lorsque le navire est amarré sur ancre. Pour la population et pour l’environnement, c’est une série de nuisances qui est gommée : bruit, fumée, gaspillage d’énergie. Par ailleurs, les yachts amarrés aux coffres éco-conçus pourront accoster au port pour déposer les déchets triés à la déchèterie, effectuer leur avitaillement en eau potable, vidanger les eaux usées grâce à un dispositif, sans équivalent ailleurs, connecté au réseau de la Ville d’Ajaccio, le tout pour le même prix d’une place au port. D’autre part, ce projet n’engendrera aucune contrainte pour les usagers du littoral et des plages. Bien au contraire, en fixant un maximum de 4 yachts sur coffres, il sécurise le plan d’eau.

III- Un double profit pour les pêcheurs et la ressource halieutique

Les pêcheurs du Golfe d’Ajaccio trouvent deux intérêts majeurs au projet. D’abord, ces coffres éco-conçus sont des récifs artificiels immergés et tiennent donc lieu d’habitats qui favorisent la croissance des alevins, contribuent au renouvellement des espèces halieutiques, dont certaines sont endémiques, et bénéficient d’une surveillance scientifique pérenne. Ensuite, si l’amarrage des yachts de plus de 24 m est réglementé et limité à ces coffres et aux ports de plaisance à travers le futur arrêté du préfet maritime, la zone de pêche sera plus sécurisée et productrice pour l’activité elle-même. Aujourd’hui la non règlementation de cette zone de pêche et les mouillages de yachts tous azimuts souvent la nuit, provoquent des dégâts sur les filets de pêche qui dérivent et détruisent aveuglement la ressource halieutique durant des années.

IV- Un investissement qui vaut le « coût »

Seul un opérateur public peut promouvoir un tel investissement. L’emprise sur le sable de chaque coffre, constitué de matériaux non polluants, est d’environ 20 m2 ce qui est insignifiant comparé à l’étendue de l’aire protégée. L’investissement est estimé à 800 000 euros, un financement de la CCI de Corse avec la contribution de la Collectivité de Corse et de l’État. Au regard de la préservation de l’environnement et de la biodiversité, de la réduction des nuisances pour la population, les pêcheurs et des avantages pour les ressources halieutiques, le rapport coût-bénéfices est inestimable.

 

* Instruit durant 4 années par un travail collaboratif avec, principalement, la Prud’homie des pêcheurs, l’OEC/ADEME, le service du pilotage et la DMLC.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°21 (Mai 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

Lire La Lettre