La Lettre | La saison des croisières

La Lettre | La saison des croisières

Un journal de bord inédit pour la Corse.

Le rebond postpandémie et notre politique de promotion à travers le monde expliquent le nombre record d’escales par des compagnies haut de gamme et des navires plus propres. 

En l’espace de cinquante ans, la croisière est passée d’un mode de transport pour l’élite et les classes aisées à un mode de tourisme beaucoup plus populaire. Une évolution dont la Corse peut elle-même témoigner. Sa croissance annuelle depuis les années 80 est en moyenne de 8,2 % par an contre la moitié pour le secteur du tourisme en général. Le nombre de passagers a augmenté de 200 % grâce à un taux de remplissage des bateaux toujours plus élevé comme se sont accrues les dépenses moyennes des passagers dans les ports d’escales. Certes, le gigantisme croissant des navires préoccupe sur le plan environnemental mais, d’une part, les compagnies y répondent en développant des moyens de propulsion de plus en plus vertueux (GNL et hydrogène en expérimentation) et, d’autre part, l’écologie, la préservation de la nature et des écosystèmes marins sont au coeur de l’action et des projets de la CCI de Corse qui souhaite profiter du nouvel élan de la croisière, après la parenthèse pandémique, mais dans les règles de l’art : la stratégie de promotion, déployée dans les salons jusqu’à Miami pour ne citer que le plus récent, est parfaitement adaptée à la taille de ses huit ports pour des retombées économiques saines.

UNE CROISSANCE RAISONNABLE

Pour la saison 2022, déjà bien entamée, le nombre total de passagers qui débarqueront dans les huit ports insulaires est estimé à 500 000 pour une programmation prévisionnelle de 480 escales. Soit une moyenne d’à peine 1 000 croisiéristes par escale. Une fréquentation équilibrée et raisonnable si on la compare à d’autres îles de la Méditerranée et une croissance mesurée de 14 % par rapport à 2019, l’année de référence pertinente. Dix-sept escales inaugurales jalonneront la saison. Les premières ont eu lieu au port d’Ajaccio avec le « Norwegian Épic» le 18 avril, puis l’« Aïda Cosma » le 11 mai suivie par le « Valiant Lady », le 18 mai dernier, fleuron de la flotte de la compagnie Virgin Voyages. Dominique Di Menza, présidente de la chambre consulaire de la Corse-du-Sud, a tenu à être présente à l’événement. Ce sera d’ailleurs une année record pour la Ville d’Ajaccio qui enregistrera 238 touchées à elle seule soit la moitié des escales de croisières en Corse. Quelques jours plus tard, le 24 mai, c’était au tour du « Royal Clipper » de jeter l’ancre en Balagne et de permettre à ses 144 passagers privilégiés de découvrir la cité paoline. Dès lors que les croisières qui passent par la Corse sont haut de gamme, la clientèle à bord dispose d’un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne, ce dont profite l’économie locale irriguée à partir des huit ports de destination. Une manne venue de la mer significative mais difficilement quantifiable. Aussi, la CCI de Corse envisage de réaliser une étude d’impact économique des croisières en partenariat avec la CCI du Var. 

LES PLUS BEAUX NAVIRES DU MONDE

Si Ajaccio demeure le port-phare de l’activité croisière en Corse devant les ports de l’extrême-sud (une centaine d’escales cumulée pour Porto-Vecchio, Bonifacio et Propriano), la Ville de Bastia est en nette progression. La promotion à l’échelle internationale a attiré sur elle la lumière des projecteurs. Toutefois, son port ne peut pas accueillir des navires de plus de 230 mètres. La chambre envisage de réaliser une étude d’aménagement du môle Nord pour accueillir les chaloupes à quai, les navires restant au mouillage au large.

Le constat est objectif : ce sont les plus beaux navires qui viennent en Corse, les moins polluants aussi car le secteur industriel de la croisière a été précurseur dans le domaine de la transition écologique. Les armateurs de croisière n’ont pas attendu les réglementations de plus en plus draconiennes imposées par l’Europe pour le transport en général et le transport maritime en particulier pour opérer leur aggiornamento en consentant les investissements nécessaires au renouvellement de leur flotte pour qu’elle soit moins polluante, moins énergivore et plus vertueuse dans le traitement de ses déchets. Ils en font même un argument commercial fort. C’est dans l’ordre des choses. Il faut être une destination d’exception pour recevoir des navires d’exception.

Les armateurs prennent le bon cap

L’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. À cette fin, le secteur des transports maritimes doit opérer une transformation qui suppose de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici l’année-butoir, tout en garantissant des solutions économiquement viables pour les voyageurs. Une stratégie opérée dans le cadre de l’OMI, l’organisation maritime internationale. Après la pandémie qui a fortement affecté l’activité, elle estime que les transports durables contribueront à relancer la croissance. Les armateurs des majors de croisière ont donc anticipé sur les injonctions européennes en se débarrassant des plus vieilles unités pour les remplacer par des navires moins polluants qui fonctionnent au GNL, la plus propre des énergies fossiles et la meilleure alternative possible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique. Le tout premier navire propulsé au GNL a fait escale à Ajaccio : c’était en 2018 l’« Aïda Prisma » . Dans l’organisation même des séjours en mer, la consommation d’énergie et d’eau est optimisée au maximum et les déchets recyclés et valorisés, ce qui constitue une économie d’échelle pour les compagnies elles-mêmes. Sans cette (r)évolution culturelle, la Corse ne déroulerait pas son tapis bleu au tourisme de croisière…

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°22 (Juin 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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