La Lettre | Paracommercialisme : halte au fléau !
Tourisme – La cause est sacrée. Elle relève moins de la lutte que de la croisade.
La cause est sacrée. Elle relève moins de la lutte que de la croisade. Voilà plus de 20 ans que la Corse du tourisme est minée par un phénomène létal pour ses filières : la location de meublés au noir, au mois, à la semaine, à la nuit ! Tout le monde y perd, les hôteliers confrontés à la concurrence déloyale, les communes et intercommunalités privées de taxes de séjour, l’État fiscalement étrillé. Seuls les spéculateurs et fraudeurs se frottent les mains ! « Je viens de recevoir un courrier des hôteliers du Cap Corse. Ils sont à bout. Malgré un contexte précaire, ils ont pris les risques d’investir dans leur établissement, de recruter du personnel déclaré, ils paient des salaires, ils paient des impôts, et les chambres sont désertes ! » regrette Karina Goffi, présidente de l’Umih Corsica et de la commission « Tourisme » à la CCI de Corse. L’exemple du Cap est déclinable à l’infini. L’île recense environ 600 000 lits dans des résidences et appartements qui ont bénéficié des lois Cellier, Pinel ou Duflot. Beaucoup font l’objet de locations sauvages avec du personnel non-déclaré qui échappe au recrutement dans les règles. Ancienne et maintes fois dénoncée, la dérive n’a jamais été contenue. Pire, le fléau est quasi institutionnalisé. Le crédit d’impôt pour les investissements en Corse, lancé par le gouvernement en 2002 et prolongé jusqu’en 2023, a permis de construire des résidences destinées à la location sans un centime de taxe à verser et sans contrainte administrative, alors que le taux d’occupation de l’hôtellerie traditionnelle est en chute libre.
UNE MISSION INTERMINISTÉRIELLE
À la demande de la CCI de Corse, Corsica Linea a sondé un panel de passagers, bientôt imitée par Air Corsica. Les résultats sont éloquents : 88 % des séjours entre avril et août (également répartis entre Haute-Corse et Corse-du-Sud) ont une durée d’une semaine et plus et 70 % ne séjourneront ni à l’hôtel ni au camping ni dans un Gîte de France ! « Après une réunion avec le préfet de Corse, une mission d’inspection générale est venue enquêter sur le logement. Nous ne l’avons pas rencontrée, mais nous espérons que ses propositions seront de nature à éradiquer la location occulte qui ébranle tout l’écosystème touristique. » Dans l’esprit de Karina Goffi, deux moyens au moins sont connus : d’abord, les maires doivent enregistrer les meublés de leur commune au double titre de l’intérêt général et d’une manne financière non négligeable. « Il faut sans doute mieux les informer. » Ensuite, les services de l’État sont invités à un engagement sans faille dans leur mission de contrôle et de coercition. « L’élaboration d’un Plan régional de régulation des locations touristiques meublées serait salutaire. » En Corse, de plus en plus d’hôtels sont mis en vente à la fin de chaque saison. Une invraisemblance dans une région où l’économie du tourisme pèse plus d’un tiers du PIB !
ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°22 (Juin 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE
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