La Lettre | CBW – L’entreprise conjuguée au Féminin

La Lettre | CBW – L’entreprise conjuguée au Féminin

« La féminisation gagne du terrain »

Marie Maestrali, la présidente de la Corsican Business Women, qui a tenu son congrès à Porticcio, confirme que la Corse détient le meilleur taux national et que les femmes 

investissent désormais tous les secteurs d’activités. Entretien

  • Le réseau, initié par l’Europe a dix ans. Comment a-t-il évolué en Corse ?

Nous entretenons toujours d’étroites collaborations avec nos partenaires européens. Le réseau s’agrandit et on s’aperçoit que les Corsican Business Women se sont désormais imposées comme un interlocuteur incontournable lorsqu’il s’agit d’entrepreneuriat féminin. Nous collaborons avec les institutions, élus et acteurs et opérateurs de l’économie insulaire sur des projets visant à valoriser la femme dans l’entrepreneuriat.

  • La Corse recensait 36% d’entrepreneures, six points de plus que la moyenne nationale. La tendance se confirme-t-elle ?

La Corse demeure une très bonne élève et nous en sommes fières. Au-delà du taux largement positif et croissant de création d’entreprises, on remarque une qualité accrue des projets et un élargissement des secteurs d’activité. Certains sont en plein essor de féminisation alors même qu’ils étaient il y a peu, majoritairement masculins ou considérés hors de portée pour une femme.

  • On a longtemps estimé pourtant que les femmes se sentaient moins légitimes que les hommes à créer et à diriger des entreprises…

Je ne le pense pas. Au coeur des Corsican Business Women nous prônons l’élévation de chacun, le développement et les bonnes intentions. Le réseau vise à fédérer, faire se rencontrer et créer des synergies entre femmes chefs d’entreprises corses mais nous ne nous positionnons à aucun moment comme en conflit avec les chefs d’entreprises du sexe masculin. Chaque entrepreneur débutant son projet a pu ressentir des doutes à un moment ou à un autre, et osciller entre la peur ou l’excitation de se lancer. Cela dépend moins du sexe que de la vision que chacun a de lui-même et de sa confiance en soi et en son projet. Souvent, le salariat est perçu comme étant plus sécuritaire, ce qui peut rebuter à créer et diriger une entreprise. De notre côté, nous oeuvrons pour valoriser l’aventure entrepreneuriale, pour accompagner au mieux nos membres une fois le cap franchi et les aider à développer leur réseau et leur activité.

  • Caroline Tarsitano, qui vous a précédée, expliquait que les femmes étaient moins bien traitées par les organismes bancaires. C’est toujours le cas ?

Le statut d’entrepreneur, surtout de TPE, ne semble pas rassurer les organismes bancaires, indépendamment du sexe du demandeur. Pousser les portes d’une banque pour demander un prêt, qu’il soit d’ordre personnel ou professionnel, s’avère être plus compliqué lorsque vous portez une casquette de chef d’entreprise que pour un salarié. Je pense que les institutions devraient évoluer sur ce sujet. La France compte un bon taux de création d’entreprises. En Corse, nous nous démarquons avec un score supérieur à la moyenne nationale. Les banques doivent prendre en compte ces profils. Or, à l’heure actuelle, les dossiers nécessitent souvent d’être beaucoup plus fournis et l’argumentation beaucoup plus poussée pour rassurer et prouver notre capacité à emprunter. Cela peut s’avérer être un réel frein pour les porteurs de projets.

  • Une universitaire québécoise que l’association avait invitée évoquait une “discrimination systémique” dont n’avait pas conscience la société et ses élus. Ici, les mentalités ont-elles évolué ?

Oui les mentalités changent. En Corse, nous remarquons une très large féminisation dans beaucoup de secteurs, qu’il s’agisse du BTP, du domaine de la santé, de la mécanique et même de l’agriculture. Les femmes prennent leur place. En viticulture par exemple, il faut savoir qu’une exploitation sur trois est gérée par une femme. Les visions et sensibilités que peuvent apporter les femmes dans ces nouveaux secteurs sont intéressantes. Je pense sincèrement que la femme progresse dans tous les secteurs d’activité avec persévérance et respect de l’environnement. Les lignes bougent. Mais la qualité d’un travail sera toujours reconnue, peu importe de qui il vienne.

  • Vous espérez que d’ici dix ans l’entrepreneuriat féminin pèsera encore plus lourd sur l’économie de la Corse ?

Non seulement je l’espère mais j’en suis persuadée ! On ressent sur l’île comme une effervescence autour de l’entrepreneuriat féminin. Les profils sont de plus en plus compétents et les projets toujours plus innovants. Il y a une belle carte à jouer sur la part que peuvent prendre en Corse les femmes chefs d’entreprises. Je crois en nos talents pour continuer de faire émerger des projets qui serviront à son économie et combleront certaines de nos lacunes et certains de nos retards de développement. Pour moi, le prochain secteur qui connaitra un essor considérable sera celui de la transition écologique qui était au coeur de notre récent congrès.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°26 (novembre 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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