La Lettre | Entretien avec Laurent Marcangeli, Député de la Corse-du-sud

La Lettre | Entretien avec Laurent Marcangeli, Député de la Corse-du-sud

Député de Corse-du-Sud et président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli estime prioritaires les investissements dans les infrastructures de transport de la Corse.

  • Est-ce compliqué de concilier le recours au 49.3 pour les textes budgétaires et la prise en compte des amendements portés par les députés de la Corse ?

C’est un travail patient mais résolu de négociations. Sur le principe, le 49.3 ne me gêne pas dans la mesure où il est prévu dans la Constitution et que la présence d’une majorité relative le légitime. C’est toujours frustrant de ne pas aller au bout de l’examen des textes, mais la procédure permet d’amorcer une phase de négociation grâce à laquelle les députés de la Corse ont défendu un certain nombre de choses. Je pense même que dans un tel contexte, la Corse parvient à tirer son épingle du jeu.

  • Quelques exemples vous viennent à l’esprit ?

La rallonge de 33 millions pour abonder l’enveloppe de Continuité territoriale, ce qui n’est pas négligeable pour l’équilibre financier de la Collectivité de Corse, la prorogation de deux ans du crédit d’impôt sur les investissements. Au Sénat, Jean-Jacques Panunzi a fait passer une proposition d’allongement de quatre ans et une extension au secteur du tourisme. Il porte un certain nombre d’autres amendements relatifs à l’économie et au transport qui viendront en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

  • L’enveloppe de Continuité territoriale doit-elle être davantage encore revue à la hausse ?

C’est une position que je défends. Il y a des efforts à consentir sur l’ensemble de nos infrastructures de transports, ports et aéroports, afin de les rendre plus modernes, plus sûrs et plus écologiques dans une optique de développement durable et vertueux du trafic. La CCI a un programme précis et ambitieux dans cette perspective mais la Collectivité de Corse manque de moyens financiers. Alors oui, il faut sensibiliser le gouvernement sur un dossier forcément vital pour une île. Comme la question foncière l’est pour beaucoup de territoires et le gouvernement ne pourra pas l’éluder très longtemps.

  • Pour nos ports et aéroports, le PTIC ne constitue- t-il pas la première opportunité à saisir ?

Si, alors même qu’un processus de dialogue est engagé avec Gérald Darmanin, nous n’avons pas une négociation solide et argumentée sur les investissements structurants, on sera passé à côté de l’essentiel. Le volet institutionnel est important comme l’est le rapport avec l’État, notamment au regard des difficultés intrinsèques comme le sort des prisonniers de l’affaire Érignac, mais le constat est avéré : le PEI n’est pas parvenu à répondre à toutes les attentes. Les ports et aéroports en font partie, ainsi que le ferroviaire. Ils sont les clés de voûte de l’aménagement du territoire. Le projet d’un nouveau port à Bastia, porte d’entrée principale de la Corse pour les marchandises, aurait dû se concrétiser depuis longtemps, et le port d’Ajaccio est un point d’ancrage essentiel pour le développement économique. Je pourrais aussi évoquer l’hydraulique pour le stockage et la gestion de l’eau. Tout ceci nécessite beaucoup d’argent et il faut mettre impérativement ces sujets sur la table.

  • Le port d’Ajaccio est décrié pour les escales croisière. La CCI de Corse prône une Charte qui impose des navires non polluants. Vous adhérez ?

Bien sûr ! En tant que maire, j’ai vécu la montée en puissance de l’activité croisière. En atteignant 500 000 croisiéristes par an, Ajaccio est devenu le deuxième port de croisière de France. La croissance économique générée est indéniable. Les commerçants qui en bénéficient le plus feront profiter les autres une fois la saison terminée. Les inquiétudes pour les pollutions atmosphérique et visuelle n’en sont pas moins légitimes et je me les pose aussi. Il n’est ni question de se passer de tourisme ni de faire d’Ajaccio un deuxième Barcelone que la population locale fuit en raison de la sur-fréquentation. Il y a des équilibres à trouver et cela passe effectivement par un code de bonne conduite à définir avec l’ensemble des acteurs, armateurs, collectivités, CCI. Il faut rendre les choses acceptables pour les habitants sans préjudice pour l’économie locale sur la base de points de vue raisonnés et raisonnables.

  • Pour en revenir à la politique, estimez-vous qu’un statut d’autonomie serait un bon moyen pour faire avancer toutes les bonnes causes ?

Il n’y a pas un modèle d’autonomie déposé. Aucun territoire autonome ne ressemble à un autre. Il faut à la Corse un statut taillé sur mesure. Elle a déjà un statut mais les évolutions progressivement acquises n’ont pas été de nature à satisfaire tout le monde. Je pose aussi une question qui peut déplaire : avonsnous été en mesure de régler les problèmes qui relèvent de nos propres compétences ? Je pense, par exemple, au traitement des déchets pour lequel nous sommes autonomes de fait. La vraie question est la capacité, pour certains domaines, à adapter les lois et à créer de la norme en lieu et place du Parlement. Elle existe depuis 2002 mais les gouvernements successifs l’ont ignorée. Beaucoup d’élus sur le continent la réclament en revendiquant une nouvelle phase de décentralisation. Alors, un statut plus avancé sur l’autonomie pour la Corse, pourquoi pas ! Mais ne faisons pas l’économie d’un inventaire exhaustif et sincère de ce qui a fonctionné et n’a pas fonctionné ces 40 dernières années.

  • Que fait la Ville d’Ajaccio pour faire cohabiter au mieux les commerces de proximité et les grandes enseignes de la périphérie ?

En l’occurrence, ce que vous appelez la périphérie, c’est Sarrola. Nous sommes sur deux communes distinctes qui cohabitent au sein de la même communauté d’agglomération. Ceci étant, il y a un travail à mener pour tendre vers la complémentarité plutôt que s’engluer dans une logique de conflit. C’est possible car on ne va pas chercher dans un centreville ce que veut trouver dans un centre commercial et réciproquement. L’offre est forcément différente mais on peut la rendre complémentaire. L’exemple idéal à suivre serait celui de Michel Simongiovanni, propriétaire du complexe L’ellipse en périphérie qui a récemment redonné vie au Laetitia, le cinéma historique du centre-ville.

  • L’intégration des chambres consulaires au sein de la Collectivité de Corse, une bonne initiative ?

Le gouvernement et les parties prenantes adhèrent à ce projet de réforme et je n’ai aucune raison d’aller à contre-courant. L’essentiel étant que les ressortissants, industriels et commerçants, trouvent leur compte dans ce nouveau mode de fonctionnement.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°27 (décembre 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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