[CORSE-MATIN] Créer richesses et emplois par la valorisation des déchets

[CORSE-MATIN] Créer richesses et emplois par la valorisation des déchets

C’est le thème du séminaire coorganisé par l’Office de l’environnement de Corse et les services de l’État. Une journée d’échanges ou des entrepreneurs continentaux du secteur ont pu faire partager leur expérience aux acteurs politiques, économiques et sociaux insulaires

Là où nous disons « déchets », d’autres parlent de « ressource ». Hier, à l’espace Charles Rocchi de Biguglia, c’est à la rencontre d’un monde entrepreneurial mal connu que l’Office d’environnement de la Corse et la direction départementale du travail (DDCSPP 2B) avaient invité le public.

Le cadre ? Un séminaire intitulé, « La valorisation des déchets, activité économique créatrice d’emplois ».

L’objectif ? Faire découvrir aux entrepreneurs, financeurs et décideurs insulaires, les vertus économiques et sociales de la valorisation des déchets en les mettant en contact avec des chefs d’entreprise du secteur.

« En matière de déchets, la Corse est aujourd’hui à la croisée des chemins, confie Guy Armanet, le président de l’Office de l’environnement, dans son propos introductif. Nous devons nous inspirer de l’expérience de ces entrepreneurs pour bâtir notre propre modèle de gestion des déchets. L’insularité nous impose de revoir notre modèle. Le fait de devoir exporter nos déchets issus du tri a un impact important en nous exposant à un malus de 30 %. De même, nous devons faire face à un autre facteur pénalisant : le temps. Nous sommes toujours dans une situation d’urgence. Ce type de séminaire doit nous aider à passer de la parole aux actes. »

Le secteur du bâtiment en pointe

Sur la scène, quatre chefs d’entreprise, au parcours parfois surprenant, venus tout exprès pour faire une double démonstration :

1. La valorisation des déchets est une activité créatrice de valeur

2. Elle a un fort impact sur l’emploi.

Sur le premier thème, c’est surtout le secteur du bâtiment qui va servir d’illustration. Un secteur dont on apprend qu’il est responsable, à lui seul, de la production de 70 % des déchets en France. Un impact qui n’est sans doute pas moindre en Corse où – comme le rappelle Jean-Charles Martinelli, le président de la chambre de métiers – 45 % des entreprises artisanales opèrent dans le secteur du bâtiment.

D’où l’intérêt du témoignage de Valérie Décot, une ancienne architecte fondatrice de « Raedificare », une structure engagée depuis 2021 dans le réemploi des matériaux issus de la déconstruction des bâtiments. « J’ai travaillé pendant 25 ans dans une entreprise qui construisait des bâtiments publics et je me suis rendu compte que nous n’avions strictement pas la main sur la question de savoir si on devait forcément démolir et si on pouvait ou non réemployer les matériaux, confie-t-elle. En 2010, à l’occasion d’une visite du pavillon Rotor (construit par un collectif Bruxellois à partir de matériaux usagés et recyclés. ndlr) à la biennale de Venise, j’ai eu un choc. Je me suis dit que, de tout temps dans l’histoire de l’humanité, on avait réemployé les matériaux de construction et qu’il fallait se demander pourquoi on avait rompu avec cela. C’est là qu’est née mon envie de travailler dans le domaine du réemploi. » Treize ans plus tard, Valérie Décot dirige une structure de 6 personnes qui accompagne les constructeurs et les aide à intégrer, dans leurs projets, des matériaux issus de déconstructions.

Lombrics et CAP

Mais parler de formation, c’est déjà aborder le second thème du séminaire : celui de l’impact de la valorisation des déchets sur le marché de l’emploi.

Un enjeu notamment mis en lumière par le récit de l’aventure « Moulinot », du nom de la société créée en 2013 par le truculent Stéphan Martinez. Cet ancien restaurateur a mis sur pied une entreprise de valorisation des biodéchets qui intervient au niveau de l’accompagnement au tri, de la collecte et de la valorisation des déchets par méthanisation agricole et lombricompostage et qui emploie aujourd’hui 110 personnes. « J’ai toujours pensé que cette filière doit avoir un fort impact social », confie le fondateur. Et lui, a su passer des paroles aux actes. En plus d’être classée comme entreprise du secteur de l’économie sociale et solidaire « Moulinot » est reconnue aujourd’hui en tant qu’organisme de formation. Elle propose à ses salariés des modules de formation qualifiante de 300 heures dans les métiers de collecteur de biodéchets et d’éco-animateurs, avec à la clé un diplôme de CAP.

Un exemple, un autre, qui fera peut-être faire germer des idées en Corse. Pour cela, les participants au séminaire étaient invités hier après-midi à découvrir tous les mécanismes d’accompagnement existant sur l’île. Histoire de les aider à passer de la parole aux actes.

PIERRE NEGREL