La Lettre | Processus Corse-État : L’Élysée passe à la vitesse supérieure

La Lettre | Processus Corse-État : L’Élysée passe à la vitesse supérieure

Le Président de la République a pris tout le monde de court en s’invitant le 24 février à la reprise du dialogue pour annoncer que la Corse sera dans son projet de réforme constitutionnelle présenté à la rentrée. On passe du marathon au sprint.

S’il existait une météorologie de la politique, nous saurions peut-être la raison pour laquelle à chaque mois de février qui suit son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron se penche au chevet de la Corse pour lui souhaiter le prompt rétablissement de sa santé économique et sociale avec, pour principal remède, une évolution institutionnelle. Lors de sa première visite officielle, au mois de février 2018, le chef de l’État mettait plusieurs voeux dans le même panier dont celui de « l’accomplissement et l’émancipation de la Corse au sein de la République, une Corse plus forte, plus rayonnante, à la hauteur de ses spécificités. » 

Déjà à l’époque, à la tribune de l’auditorium bastiais de l’Alb’Oru, une phrase avait fait sensation car elle instillait des mots doux aux oreilles de la majorité nationaliste : « J’ai entendu la demande d’une autonomie reconnue dans la République. Ce souhait que la Corse soit mentionnée dans la Constitution, j’y suis favorable car je le prends comme une marque de confiance. » On connaît la suite. Le projet de révision constitutionnelle s’est dégonflé comme une baudruche sous le coup d’épingle du Sénat et depuis, les relations entre la Corse et Paris ressemblent à des montagnes russes. Jusqu’à ce que, cinq ans plus tard, presque jour pour jour, le président de la République s’invite contre toute attente Place Beauvau à la faveur de la reprise du dialogue avec Gérald Darmanin, son « Monsieur Corse », pour remettre sur le métier l’ouvrage loin d’être cousu de fil blanc, le statut d’autonomie de la Corse…

« DES MESURES JUSTES, SIMPLES, EFFICACES »

À maintes reprises, le président Jean Dominici a eu l’occasion de le dire publiquement avec gravité et solennité : la CCI de Corse voit dans les fils renoués du dialogue avec le gouvernement, le seul moyen de coudre le nouveau modèle économique qui fera entrer de plain-pied la Corse dans l’ère de l’innovation, du développement durable, d’une économie plus sociale et plus solidaire qui ouvre des perspectives d’emploi et d’épanouissement pour les générations présentes et à venir. En quelque sorte, le 7 février 2018 à Bastia, Emmanuel Macron esquissait ce modèle : « En lien avec les présidents des chambres consulaires, des partenaires sociaux et des acteurs socioprofessionnels, j’ai demandé au ministre de l’Économie un diagnostic conduisant à des dispositifs adaptés soit à d’éventuelles adaptations législatives et réglementaires, avec le concours de la Collectivité, pour avoir sur le sujet économique une réponse plus ambitieuse (…) Je souhaite que la Corse devienne un territoire innovant pour un développement durable intégré (…) Préserver le capital nature, atout indispensable au tourisme qui est au coeur de la création de richesses dans l’île. La Corse doit être ce territoire pionnier du tourisme durable. » Expliquant en prime sa volonté de lui réserver une « place centrale » dans la vision de la politique méditerranéenne de la France.

Sur la fiscalité, pièce maîtresse des îles autonomes de Méditerranée, le président de la République avait mis en garde : « Une liberté pourrait être donnée à la Corse de mettre en oeuvre de nouvelles taxes locales dans le cadre de l’évolution institutionnelle que j’appelle de mes voeux. Mais plus il y aura de fiscalité transférée, moins il y aura de dotations. Être autonome, c’est assumer ce choix. » Cinq ans plus tard, devant Gérald Darmanin, le président de la CCI de Corse n’avait pas oublié le message : « Il n’y aura pas chez nous de course à la subvention ou à la dérogation par principe ou par habitude. Des mesures justes, simples et efficaces, sans effet d’aubaine. »

LE COMPTE À REBOURS EST DÉCLENCHÉ

En s’invitant, le 24 février dernier, au troisième comité stratégique, le président de la République a déclenché le compte à rebours. Il laisse entendre sans ambiguïté et « sans tabou » – ce sont ses termes – que le statut de la Corse va entrer dans une nouvelle phase. Il se dit prêt à inscrire de nouvelles évolutions dans son projet de réforme de la Constitution qu’il soumettra « après l’été ». Non seulement le processus a repris mais il passe à la vitesse supérieure.

Le président du Conseil exécutif de Corse demeure l’interlocuteur désigné pour suivre la cadence. Mais l’absence physique à la table des négociations des chambres consulaires et, plus généralement, de la société civile, n’obère en rien les attentes formulées par le Président Dominici qui toutes convergent vers une plus grande justice économique, en tête desquelles un statut fiscal et social « dont la finalité est de gommer pour les entreprises et commerces l’écart structurel entre la Corse et le Continent qui impacte les fonds propres et sape les efforts de croissance et de productivité. »

En amont du rendez-vous de Beauvau, le ministre de l’Intérieur avait échangé avec l’Exécutif de Corse sur des dossiers qui, pour être en marge du processus, n’en sont pas moins stratégiques pour l’économie corse. À des degrés divers, la CCI de Corse y est concernée. Il s’agit de la révision du Programme pluriannuel de l’Énergie (PPE) à l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse à la fin du mois (consommation et maîtrise de l’énergie, nouvelle centrale d’Ajaccio, ENR, etc.) ; de la valorisation des déchets qui offre de belles perspectives de création d’entreprises innovantes comme l’atteste le séminaire de Biguglia dont nous rendons compte ; des interrogations légi-times sur les retombées potentielles pour la Corse du plan d’État « France 2030 » ; d’enveloppe de continuité territoriale désormais jugée insuffisante et de préjudice que pourrait générer l’instauration d’une fiscalité écologique uniforme pour le transport aérien ; de PTIC (plan de transformation et d’investissement pour la Corse) qui doit permettre, entre autre, de financer la modernisation des ports et aéroports.

On le voit, les semaines et les mois à venir seront déterminants. Même à cadence accélérée, la CCI de Corse reste plus que jamais dans la course…

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ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°30 (mars 2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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