La Lettre | Transition écologique : Cécile Donsimoni, la femme qui (s’)investit

La Lettre | Transition écologique : Cécile Donsimoni, la femme qui (s’)investit

La directrice régionale de Bpifrance a toujours incité l’économie corse à s’adapter aux grands enjeux d’avenir. Avec la chambre, elle lance un plan d’optimisation énergétique pour le secteur tertiaire.

Ses rêves d’idéal et de prospérité pour son île puisent leurs sources au coeur même du berceau de ses ancêtres, la Castagniccia, emblématique des valeurs séculaires de la Corse. Originaire de Piedicroce, haut lieu historique à la fois dominé par la figure tutélaire de Paoli et par le San Petrone, Cécile Donsimoni vit à distance de la terre de ses racines, jadis nourricière, mais l’âme qui l’habite, elle la porte en bandoulière partout où elle se trouve : à l’École des mines de Nancy pour le début de sa carrière au CNRS après une formation de chimiste puis à Ajaccio où elle a accompli l’essentiel de sa carrière depuis 1992. D’abord à la direction régionale de l’ANVAR, l’Agence nationale de valorisation de la recherche, puis à OSEO, l’organisme de financement et de soutien aux TPE/PME qui lui a succédé, enfin, dans le droit fil, à la Banque Publique d’Investissement. Avec, chaque fois pour dénominateur commun, la mission de permettre à l’économie corse de s’emparer des grands enjeux d’avenir qu’ils soient technologiques ou environnementaux.

Lorsqu’elle visite une boîte, elle connaît son origine, son histoire, sa généalogie. Le regard empirique de trente ans qu’elle porte sur le champ économique parfois aride parfois fertile de la Corse et sa capacité à semer les graines des mutations sociales, écologiques, technologiques, confère du poids et du discernement à son expertise. « Ce qui m’a frappée ces dernières années, c’est le renouvellement des dirigeants. La Corse recense d’innombrables entreprises familiales et la plupart sont reprises par les jeunes de la famille, je le constate à chacune de mes visites de terrain. Nous assistons à l’émergence d’une génération de chefs d’entreprise, la trentaine de moyenne d’âge, mais aussi de jeunes femmes qualifiées, la tête sur les épaules, qui reprennent des affaires anciennes, structurées, avec des problématiques complexes. La transmission n’est pas partout évidente mais les belles affaires sont reprises et développées par des jeunes plein d’allant et ouverts à des sujets auxquels les parents se détournaient comme l’international, ils n’ont peur de rien. Mais ce n’est pas la seule chose qui change la donne. J’ai constaté la montée en gamme des entreprises et la volonté d’une production qui se distingue par sa qualité et la préservation de l’environnement qui est véritablement entrée dans les consciences. En résumé, tout un état d’esprit qui n’existait pas seulement vingt ans en arrière… »

Cécile Donsimoni confirme que nombre d’entreprises la contactent afin de corriger tout ce qui impacte défavorablement le climat. « De plus en plus dans l’hôtellerie-restauration, on se préoccupe de réduire la consommation d’eau et d’énergie, de favoriser le tri et le recyclage des biodéchets, de privilégier les circuits courts et les produits locaux, tout en préservant le même niveau de qualité de service et de confort des clients. »

« AVEC LA CCI, UN PROGRAMME EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DANS LE TOURISME »

Les missions de service public de Bpifrance (détenue à parité par l’État et la Banque des Territoires) épousent les contours du paysage économique qui se dessine en Corse sans perdre de vue la déclinaison des grands programmes nationaux de soutien et de relance. « Nous sommes au coeur du Plan tourisme pour lequel la Corse est concernée au premier chef et du Plan climat, transversal à toutes les activités. Sur un projet, Bpifrance ne vient pas en concurrence des banques traditionnelles mais en appoint, en cofinancement ou en garantie, lorsque le marché répond de manière imparfaite, c’est-à-dire lorsqu’il y a du risque : du risque à la création, l’étape de tous les dangers, du risque à l’innovation, du risque à la conquête de l’international, du risque à la transmission. Mais elle n’intervient que sur des affaires qui se créent ou se développent, pas sur celles en difficulté, en phase de restructuration ou de sauvetage. » 

En revanche, au fil des années et d’une confiance réciproque qui n’a cessé de grandir, Cécile Donsimoni est devenue une partenaire chevronnée de la CCI de Corse. « En étroite collaboration avec l’Ademe, nous mettons ensemble sur la rampe de lancement une action d’optimisation énergétique en direction du tertiaire, commerces, hôtels, restaurants. Depuis le 1er janvier 2023, ils doivent s’inscrire sur la plateforme Operat pour informer sur le degré de consommation de leur bâtiment et sur les étapes prévues pour mettre leur foncier en conformité avec le décret qui leur impose en 2030 de consommer un tiers de ce qu’ils consomment aujourd’hui. Ce qui implique des efforts à consentir sur la modernisation et l’isolation des bâtiments, une meilleure gestion des sources d’énergie, eau, gaz, électricité, l’installation de panneaux solaires, etc. Le programme consiste à sensibiliser les dirigeants et à les accompagner dans cette transition à défaut de laquelle ils ne pourront bénéficier d’aucun financement pour leurs projets, ni vendre ni louer leur foncier. » 

La directrice de Bpifrance en Corse précise que ce sont les socioprofessionnels du tourisme qui se verront d’abord prescrire un large panel de diagnostics qui ont trait au climat : bilan carbone, étude des flux, performance immobilière. Une fois le diagnostic posé, une aide est prévue pour financer les travaux qui permettront à tout un chacun d’être dans les clous. Un sacré chantier qui va en même temps doper l’activité de rénovation des bâtiments. 

Lorsqu’elle ne prêche pas la bonne parole auprès des acteurs de l’économie corse, Cécile Donsimoni prend son bâton de pèlerin – taillé probablement dans du châtaignier – pour effectuer de longues marches dans la nature. C’est bon pour le coeur, pour l’humeur et pour l’état d’esprit qui, pour elle, dans sa vie comme dans son métier, consiste obstinément à regarder devant… 

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°31 (avril 2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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