La Lettre | Entretien avec Bruno Lemaire : “La Corse doit se saisir de l’opportunité d’une réforme constitutionnelle”

La Lettre | Entretien avec Bruno Lemaire : “La Corse doit se saisir de l’opportunité d’une réforme constitutionnelle”

Lors de sa dernière visite dans l’île, il y a plus de quatre ans, Bruno Le Maire émettait le voeu que la Corse soit, aux yeux de tous les pays européens, le modèle d’une réussite économique insulaire. Aujourd’hui encore, le ministre de l’Économie et des Finances, réitère sa conviction à la Lettre de la CCI de Corse.

  • Les chambres consulaires de l’île ont vocation à passer sous la tutelle de la Collectivité de Corse. Quel regard portez-vous sur cette expérimentation législative dont vous êtes à l’origine ? 

Nous avons engagé, en effet, la discussion avec la Collectivité de Corse pour examiner la faisabilité d’un transfert. Dans la continuité des dispositions de la loi Pacte, c’est une évolution importante. Pourquoi importante à mes yeux ? Parce qu’elle vise à prendre en compte les spécificités de l’île et à renforcer sa cohérence d’ensemble dans la gestion des politiques publiques et de ses ressources propres. 

  • Est-elle susceptible de se généraliser ? 

Ce que je peux vous affirmer aujourd’hui, c’est qu’elle n’est pas à l’ordre du jour ailleurs. 

  • Il y a objectivement une rupture d’égalité entre les entreprises corses et celles du continent en raison des surcoûts liés à l’insularité. Faut-il un statut fiscal spécifique pour la réduire ? 

La Corse bénéficie déjà d’un grand nombre de dispositifs fiscaux favorables, qui visent à atténuer les inconvénients liés à l’insularité et à faciliter son développement économique : abattement spécial de 25 % sur la taxe foncière, crédit d’impôt pour l’investissement en Corse ou encore réduction d’impôt au titre des fonds d’investissement de proximité. J’ai tenu à conforter ces dispositifs dans la loi de finances pour 2023 et prévu un régime de taxation spécifique des plus-values immobilières les plus élevées sur l’île, afin d’apporter une solution à la sur-spéculation. Rien n’est jamais figé dans le marbre. 

  • Une discussion, difficile, est actuellement en cours pour évoquer l’éventualité d’un statut d’autonomie sur l’exemple des îles de Méditerranée. Quelles déclinaisons possibles au niveau de l’économie ?

Les discussions sur l’avenir institutionnel de la Corse sont en cours, comme vous le rappelez justement, et il est donc bien trop tôt pour tirer des conclusions. Le président de la République a indiqué qu’une réforme constitutionnelle était envisageable. C’est là une perspective digne d’intérêt. L’ensemble des acteurs de l’île et du continent doivent se saisir de cette opportunité.

  • Sous votre impulsion, le Crédit d’impôt Recherche et Innovation a été réévalué et la Corse est une Zone de développement prioritaire. Les effets sont-ils à la hauteur du ministre qui a publiquement souhaité que la Corse devienne, ce sont vos paroles, « un modèle de réussite en Europe » ?

Vous faites bien de rappeler que les taux du Crédit d’Impôt Recherche et Innovation ont été significativement augmentés en Corse en 2020 et que l’ensemble de l’île a été, en effet, classé en Zone de développement prioritaire. Ce sont des mesures importantes car elles permettent aux entreprises corses d’avoir un taux de 35 à 40 % – contre 30 % sur le continent – et aux petites entreprises de bénéficier d’exonération d’impôt sur les bénéfices et d’impôts locaux. Ces dispositifs sont trop méconnus. J’appelle les collectivités à les valoriser et les entreprises à s’en saisir pleinement ! Et oui, ce n’était en aucune façon des paroles en l’air, je confirme que la Corse peut et doit devenir un modèle de réussite économique en Europe.

  • Avec l’aval de la Collectivité de Corse, la CCI de Corse porte le projet de création d’une grande École de Tourisme. Vous le soutenez ?

Bien sûr ! Si j’ai bonne mémoire, le président de la République l’a fait avant moi. La Corse est l’une des régions les plus touristiques de France, ce qui contribue fortement à son économie, et elle s’empare des grands enjeux environnementaux qui vont la préserver. Pour soutenir cette activité et créer de l’emploi localement, nous avons besoin de former des jeunes à l’accueil, au service, à l’hôtellerie à un niveau d’excellence. Avec Olivia Grégoire (ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, n.d.l.r) nous soutenons donc tout projet de création d’une école du tourisme digne de l’île, qui répondra à ses besoins.

  • On ne vous a plus vu en Corse depuis un moment. Vous avez prévu d’y venir prochainement ?

Le plus tôt sera le mieux ! Vous connaissez mon attachement profond à la Corse. J’y ai toujours été très bien accueilli.

ENTRETIEN PARU DANS L’ÉDITION N°32 (mars2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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