17 avril 2020
Dans
Revue de presse
Interview : Jean Dominici, Président de la CCI de Corse
Le confinement est prolongé. Pouvez-vous rappeler les mesures accessibles aux entreprises ?
Il faut d’abord préciser et comprendre que nos entreprises et nos commerçants ne veulent pas être aidés ou subventionnés, ils veulent tous et tout simplement travailler, et ce n’est qu’en désespoir de cause qu’ils se tournent vers les dispositifs existants pour tenter d’éviter une fermeture définitive. Les principales mesures en vigueur aujourd’hui sont le report et l’étalement des échéances sociales et fiscales (hors TVA), le recours simplifié et bonifié au chômage partiel, les dispositifs de renforcement de la trésorerie garantis par l’État et enfin le recours au fonds de solidarité et à l’aide forfaitaire de 1 500 € destiné à venir en aide aux plus petites entreprises, les plus touchées par la crise.
À ce jour, combien d’entre elles ont activé ces mesures ?
Pour faciliter l’accès à ces mesures et leur suivi, la cellule de « continuité économique » a été activée. La gestion est naturellement dans les mains de l’État qui coordonne l’ensemble des actions et des mesures. La Direccte est le point d’entrée unique d’inscription des entreprises en difficultés. Le dernier point que nous avons reçu recense 4 657 demandes.
Quid du fonds de solidarité ?
Le premier volet de 1500 € est opérationnel depuis le ler avril, il s’adresse aux TPE ayant fait l’objet des mesures de fermetures administratives, ou ayant perdu plus de 50% de leur C.A. II peut à présent être complété d’un second volet de 2 000 € à 5 000 € supplémentaires. Pour y accéder, il faut avoir bénéficié du volet 1, avoir au moins un salarié et pouvoir justifier d’un refus de prêt de trésorerie ou à défaut une absence de réponse de sa banque. Les demandes sont à formuler sur le portail de la Collectivité de Corse https://bit.ly/2VvVf4a
Face à l’urgence de trésorerie, quelle est la durée moyenne du traitement des dossiers instruits ?
Nous faisons face à une situation inédite. L’ensemble des entreprises et des secteurs d’activité sont impactés, les services ont été submergés de demandes et certains serveurs comme celui dédié aux déclarations du chômage partiel ont rapidement été saturés. Mais dans l’ensemble, l’accès aux différentes mesures a pu se faire dans les délais impartis, et un délai supplémentaire exceptionnel de 30 jours avec effet rétroactif a été mis en place pour la mobilisation du chômage partiel.
Il faut préparer le « jour d’après »
En interne, comment fonctionne la cellule de crise de la CCI régionale ?
Les services économiques de la CCI de Corse sont entièrement mobilisés, nos équipes sont présentes au siège de l’institution et sur nos antennes, à Bastia, Ajaccio, Porto-Vecchio, Corte, l’île-Rousse et Ghisonaccia. Notre mission première consiste à renseigner et accompagner nos chefs d’entreprise et nos commerçants, afin qu’ils puissent accéder à l’ensemble des mesures existantes. D’autre part, nous travaillons en partenariat avec la CdC pour compléter le train de mesures nationales par des dispositifs complémentaires et adaptés aux spécificités de nos entreprises et de notre territoire. Enfin, il faut préparer le « jour d’après », la sortie de la crise, le rebond. Nous devrons être prêts pour immédiatement mettre en oeuvre les plans de communication et de soutien aux différents opérateurs pour booster la destination dès la sortie de confinement.
Quel est votre état des lieux ?
Comme je vous le disais plus haut, nous faisons face à une situation inédite, c’est l’ensemble de l’économie qui est quasiment à l’arrêt, et à des degrés divers, toutes les entreprises et tous les secteurs d’activité sont impactés. Aux difficultés liées à la perte de chiffre d’affaires, à l’assèchement des trésoreries, s’ajoute un manque total de lisibilité sur la sortie de crise. Les chefs d’entreprise et les commerçants doivent en temps normal s’organiser, prévoir, pour décider et agir. Malheureusement aujourd’hui, ils n’ont aucune visibilité et aucune certitude sur la durée du confinement, la date et les conditions de déconfinement ou encore de réouverture de leurs établissements. À tout cela vient s’ajouter le spectre d’une saison touristique extrêmement dégradée. Quand on connaît le poids du tourisme sur notre petite économie insulaire, les effets néfastes directs, indirects et induits pourraient être considérables.
Plan de relance avec l’appui d’experts internationaux
Une pétition circule pour demander le report des soldes. Soutenez-vous cette position ?
Le dossier du report des dates des soldes estivales 2020 est en effet ouvert au plan national et le principe semble déjà acquis tant il est fortement soutenu par les fédérations concernées et en particulier celle de l’habillement, il restera naturellement à arbitrer le débat récurrent de la fixation de nouvelles dates. Pour ce qui nous concerne et afin de nous positionner avec la plus grande légitimité, nous envisageons de consulter par mailing l’ensemble des commerçants du secteur, ainsi que les unions commerciales de Corse, afin de soutenir la position majoritaire qui se dégagera de notre enquête.
Au regard de la situation, regrettez-vous que le projet « Click and drive » n’ait pas réussi à se concrétiser ?
Dans le domaine économique, ça ne sert à rien de nourrir des regrets et en période de crise, encore moins que d’habitude. Pour aider nos commerçants qui ont pu continuer à travailler pendant le confinement, nous avons pris une initiative spécifique à la crise. La chambre régionale de métiers et la chambre d’agriculture de Corse se sont associées à notre action pour mettre gratuitement en ligne un outil de géolocalisation permettant de référencer les commerçants, artisans et producteurs en activité, sur une seule et même adresse : www.compruqui.corsica
Au terme de cette crise, les entreprises devront se reconstruire. Pensez-vous que cela passera nécessairement par le développement du numérique ?
Certainement, mais c’est notre modèle économique dans son ensemble qu’il faudra réformer et reconstruire. La CCI de Corse lancera dans les prochains jours l’étude d’un plan de réformes et de relance économique avec l’appui d’experts internationaux, dont les premiers résultats pourront être disponibles à la fin du mois du juin.
JULIE QUILICI-ORLANDI