La Lettre | Rencontre : François Ravier, Préfet de proximité

La Lettre | Rencontre : François Ravier, Préfet de proximité

Le représentant de l’État a bonne presse auprès des élus et des partenaires aux côtés desquels il travaille au soutien et à la relance de l’économie. Il fait un point de la situation avant la période de réserve. 

Voilà presque trois ans que François Ravier a été nommé préfet de la Haute-Corse. Sans les présidentielles qui réactivent traditionnellement le jeu des chaises musicales dans la haute administration, il battrait le record de longévité. Il faut dire qu’aussi bien l’homme que le représentant de l’État sont appréciés alors même que la crise sanitaire était propice aux tensions et à l’exaspération. François Ravier pourra quitter la Corse avec le sentiment du devoir accompli. Il n’a d’ailleurs pas levé le pied. Ces dernières semaines, il enchaînait encore les séances de travail relatives aux Contrats de Relance et de Transition Écologique passés avec différents territoires et le 15 mars, il présidera la deuxième réunion du Comité départemental de sortie de crise destinée à aider les entreprises en difficulté. Un comité en mode élargi : à ses principales directions, l’Urssaf et la Banque de France se greffent le tribunal de commerce, l’Umih, le Medef et, bien sûr, à la CCI de Corse qui a toujours pris place à la table de l’État dans un esprit constructif même si les analyses de situation diffèrent parfois.

  "En attirant de nouveaux op rateurs a riens et en renfor ant notamment les liaisons avec l’Europe du Nord, la CCI agit efficacement"  

DU BON FONCTIONNEMENT DES DISPOSITIFS D’ÉTAT

« Les échanges qui ont lieu dans le cadre des Contrats de Relance m’ont éclairé sur l’intérêt que les élus, dans leur globalité, portent insuffisamment à l’économie. Or, la Haute-Corse compte plus de 12 000 entreprises. Les inventaires des zones d’activités n’ont pas été mises à jour depuis au moins dix ans, elles sont saturées, ce qui constitue un frein à l’accueil des projets d’entreprise. » Au moment où la dernière vague virale reflue lentement mais sûrement, François Ravier estime probants les résultats des dispositifs de l’État mis en oeuvre en Corse : « Un seul constat suffit à s’en convaincre : le montant global des aides, remboursables ou pas, dont la Corse a bénéficié est supérieur au montant cumulé de la baisse des chiffres d’affaires. » Le préfet de Haute-Corse n’est pas vraiment inquiet sur le mur de dettes dressé par les prêts garantis par l’État : « Il conviendra certes d’analyser la situation entreprise par entreprise mais la majeure partie des PGE a été contractée mais pas consommée. Je ne dis pas que des entreprises ne se heurteront pas à des difficultés de remboursement – ces cas seront suivis attentivement – j’émets quelques doutes sur le niveau de rigidité qu’on prête à ce mur… ».

« LE TRAVAIL DE TERRAIN PORTE TOUJOURS SES FRUITS »

En revanche, le préfet ne doute pas de la dynamique produite par les mesures destinées à insuffler un nouvel élan à une économie insulaire abîmée par le virus. « En Corse actuellement, 16 entreprises sont labellisées France Relance. 14 en Haute-Corse. C’est plus que dans des départements bien plus importants en taille. D’autres dossiers sont en instruction. Les industries agroalimentaires sont très présentes. À titre d’exemple, je citerais les unités de transformation des clémentines qui vont ajouter de la valeur ajoutée et de l’emploi à la filière, jus bio, parfums, huiles essentielles, etc. Je reconnais que, parfois, les appels à projets n’ont pas toute la lisibilité souhaitée, mais c’est mon rôle, avec d’autres partenaires comme la CCI de Corse, d’être les relais pour éclairer les chefs d’entreprises. Le travail de terrain porte toujours ses fruits… » Son constat est clair : les plans de soutien et de relance de l’État ont bien fonctionné. Il l’illustre par une statistique : entre le 1er janvier 2019 (année de référence pertinente) et le 1er janvier 2022, le chiffre d’affaires global tous secteurs confondus a augmenté de 23%, bien au-dessus de la moyenne nationale. Parmi les secteurs d’activités qui ont tiré leur épingle du jeu, la construction et l’hébergement-restauration. « La Corse du tourisme n’a pas eu à souffrir de la crise sanitaire la saison dernière malgré un démarrage tardif. En 2022, si les premiers indicateurs sont encourageants, la concurrence des destinations fait son retour. Le secteur doit se développer en services et en attractivité. En attirant de nouveaux opérateurs aériens et en renforçant notamment les liaisons avec l’Europe du Nord, la CCI agit efficacement. »

UN PRÉFET SALUÉ POUR SON SENS DE L’ÉCOUTE

Le reproche récurrent fait à l’État est celui de l’inadéquation des dispositifs avec le tissu économique de la Corse. Le préfet de Haute-Corse admet seulement que les toutes dernières mesures s’adressent davantage aux PME qu’aux TPE, « mais il y a encore des opportunités à saisir dans le domaine notamment de la digitalisation de l’économie et dans la performance énergétique qui permet de réduire les coûts d’exploitation. »

Le sens de l’écoute et le pragmatisme désignent François Ravier à une estime partagée par les élus et les corps intermédiaires de la société corse. Il a toujours préféré humer l’air du terrain plutôt que celui du bureau. Pour ce Vendéen, qui a grandi dans un petit village du Berry, la ruralité est son jardin. Par ailleurs, dans sa vie d’avant-préfet, la fonction de directeur général des services au conseil régional de Basse-Normandie l’a familiarisé avec les mécanismes et le rythme de décision des collectivités, le mode de raisonnement des élus, les arcanes des financements. « Je me suis toujours inscrit dans la logique de projets et la culture de résultats. » Dernières paroles avant la période de réserve électorale qui s’ouvre officiellement dans quelques jours.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°19 (MARS 2022) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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