La Lettre | Banque de France, l’allié qui a du crédit

La Lettre | Banque de France, l’allié qui a du crédit

Son nouveau directeur régional, Jean-Luc Chaussivert, livre ses premières impressions sur l’économie insulaire et évoque le dispositif Opale qui le lie désormais par convention à notre chambre…

La Bretagne de Vannes, le Pays-Basque de Bayonne et aujourd’hui la Corse. Le parcours personnel, amorcé à la naissance dans la magnifique cité médiévale de Vitré, et les grandes étapes de la carrière professionnelle de Jean-Luc Chaussivert fleurent bon l’air marin. Sa nomination, il y a quatre mois, à la direction régionale de la Banque de France, ne le dépayse pas. D’autant moins qu’il a eu l’opportunité par le passé d’arpenter les routes de l’île en famille, des Calanques de Piana aux confins du Cap Corse. Déjà à l’époque, des séjours aux exhalaisons salines. Ses études supérieures à Nantes le destinaient à l’expertise comptable mais franchir le seuil de la Banque de France de la cité des Ducs a été comme une révélation de la voie à suivre. Il ne s’en détournera plus. En 1993, il passe avec succès le concours d’encadrement de la vénérable institution financière. Trente ans et quelques échelons plus tard, il enjambe la Méditerranée pour rejoindre la cité impériale. Petit clin d’oeil du destin : c’est Napoléon, Premier Consul, qui a créé la Banque de France en 1800…

« DES ENTREPRISES PETITES MAIS DYNAMIQUES »

Lorsqu’on l’interroge sur les impressions suscitées par son premier regard sur l’économie insulaire, Jean-Luc Chassivert évoque spontanément le poids, le rayonnement et l’influence des microrégions en tant qu’entités singulières : « En Corse, il apparaît évident que les frontières intercommunales sont beaucoup moins administratives que géographiques, historiques et culturelles. Ce n’est pas sans effet sur la trame du tissu économique. Dans leur grande majorité, les entreprises sont de petite taille, moins de dix salariés, mais elles sont pour beaucoup anciennes et familiales ce qui leur confère une valeur patrimoniale et affective. Elles sont aussi réactives, dynamiques et financièrement solides. » Il a observé qu’un chef d’entreprise sur dix, septuagénaire, peut avoir naturellement plus de difficulté à se projeter dans l’avenir et donc à investir : 

« Mais il n’existe aucune fatalité à l’extinction de ces entreprises car la Corse bénéficie d’une génération, j’ai pu très vite m’en rendre compte, jeune et entreprenante. » Le nouveau directeur régional de la Banque de France a aussi remarqué l’ambivalence que produit le tourisme, à la fois poumon de l’économie et ferment de nuisances inhérentes à l’hyper-saisonnalité et à son corollaire, la sur-fréquentation.  « En même temps, la prise de conscience des élus et des socioprofessionnels à négocier au mieux le virage écologique, sobriété énergétique, circuits-courts, sensibilisation à la biodiversité, témoigne d’un engagement affirmé en faveur du développement durable qui passe aussi par l’étalement de la saison. De nombreuses mesures portées par l’État et par la Collectivité de Corse, relayées et déclinées sur le terrain par les chambes consulaires et les établissements financiers, favorisent cette mutation déjà engagée sur les bons rails… »

La Banque de France est un soutien historique des entreprises. Veiller à leur santé financière est sa vocation originelle en même temps que celle de « gardien de la monnaie » seul habilité à émettre et à faire circuler les billets sur le territoire national. Depuis, elle a élargi le champ de ses missions à mieux informer le public par le biais de ses « Tendances régionales », qui donnent chaque mois le pouls économique conjoncturel d’une région, et à surveiller, comme le lait sur le feu, le surendettement des ménages.

UNE ALLIANCE « OPALE » AVEC LA CHAMBRE

Désormais la Banque de France et la CCI de Corse font alliance au profit des TPE. Les liens qui les unissent ne datent pas d’hier mais… du 26 juin 1858, jour où Napoléon III a signé le décret de création de la succursale de la Banque de France à Bastia, à la demande de la chambre de commerce de l’époque !

La convention de partenariat, conjointement paraphée par Jean-Luc Chaussivert et Jean Dominici, porte sur le dispositif qui répond au joli nom d’Opale, acronyme pour Outil de Positionnement et d’Analyse en Ligne des Entreprises. Ainsi, la Banque de France met son expérience en analyse financière au service des chefs d’entreprises de taille réduite qui, plus commerciaux que financiers, se heurtent, faute de compréhension, au refus des banquiers qu’ils sollicitent. Opale résout justement les problèmes de forme ou de présentation. Il passe au filtre de son système d’analyse informatique les comptes de l’entreprise, en décrypte les forces et les fragilités qui éclaireront par anticipation l’entrepreneur sur le regard que portera le prêteur sur sa société, valeur ajoutée, excédent brut d’exploitation, taux de marge, capacité d’autofinancement, toutes les bases à partir desquelles s’adossera le consentement pour le prêt. « Une fois authentifié, le chef d’entreprise accède aux données que la Banque de France a sur lui et il obtient instantanément son rapport d’expertise téléchargeable, un support fiable pour étayer son projet de développement. Il pourra ensuite aller défendre personnellement son dossier au regard de l’histoire de son entreprise, de ses forces dynamiques, de son aptitude à gommer ses faiblesses, de ses espoirs de grandir dans son environnement. La dimension humaine ne se dilue pas dans la mécanique numérique, d’autant moins si l’on se réfère au rôle que joue la CCI de Corse, très proche des entreprises, repreneurs et investisseurs en particulier, pour les sensibiliser à l’intérêt de recourir à Opale, surtout si les sujets financiers ne leur paraissent pas naturellement familiers… »

Pour rester dans le jargon bancaire, la Corse des sentiers de randonnée est une plus-value pour le directeur régional de la Banque de France. Les longues marches sont devenues pour lui monnaie courante. Si l’on poussait la métaphore un peu trop loin, on dirait de Jean-Luc Chaussivert qu’il est un actif circulant…

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°32 (mai 2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

Lire La Lettre