La Lettre | Collectif des acteurs économiques : L’union sacrée

La Lettre | Collectif des acteurs économiques : L’union sacrée

S’estimant trop à l’écart du processus entre la Corse et l’État, le Collectif des acteurs économiques veut faire entendre sa voix, plus encore en cette période de forte incertitude.

Les chefs d’entreprises et les artisans redoutent d’être oubliés sur le bord du chemin. Or, celles et ceux qui font vivre l’économie de la Corse au quotidien ont beaucoup de choses à exprimer. Réuni au palais consulaire de Bastia, le Collectif des acteurs économiques de la Corse a vivement regretté cette absence de concertation en amont. Ce n’est pas une question d’amour-propre ou de susceptibilité mais le besoin de se faire entendre aux sommets du territoire et de l’État pour que soient enfin défendues à leur juste valeur les problématiques conjoncturelles mais aussi celles essentielles du développement, de l’emploi, des transitions énergétiques et numériques, de la décarbonation et des handicaps structurels. Tout ce qui fait que les entreprises insulaires ne sont pas, tant s’en faut, sur un pied d’égalité avec celles du continent.

« TOUS EMBARQUÉS DANS LA MÊME GALÈRE »

Le Collectif des acteurs économiques de la Corse a le blues mais pas l’esprit de résignation. Il s’était constitué pendant la crise pandémique pour faire front dans les périodes les plus éprouvantes et avait entrepris, avec l’aide inconditionnelle des chambres consulaires, un travail d’information et d’accompagnement solidaire qui avait eu l’effet d’un antidépresseur. Mais il n’a pas battu en retraite en même temps que le virus, il est resté en mode veille car le climat anxiogène post-crise sanitaire ne s’est jamais vraiment dissipé. Et là, il tape du poing sur la table pour attirer l’attention de ceux qui façonnent depuis quelques mois le destin institutionnel de la Corse alors que la saison paraît bien compromise et que les espoirs d’un rebond économique s’éloignent dangereusement.

« Nous sommes tous embarqués dans la même galère. » Karina Goffi, présidente de l’UMIH Corsica et présidente de la Commission Tourisme de la CCI, se fait l’écho de la profonde préoccupation des hôteliers et des restaurateurs car les niveaux de fréquentation actuelle et de réservation pour les semaines et les mois à venir sont comme les lits de nos rivières en période de canicule, à l’étiage. Chiffres à l’appui, la tonalité est la même de la part des fédérations, syndicats ou représentants de gîtes, hôtellerie de plein-air, autocaristes et transporteurs routiers. Malgré des prix plus élevés que par le passé, les flux maritimes et aériens se maintiennent, ce qui démontre en creux le préjudice que génère la croissance puissante et permissive de l’hébergement non-marchand, quelque 200 000 lits contre 30 000 pour les établissements hôteliers qui paient des charges et produisent de l’emploi. « Dans d’autres régions comme la Côte d’Azur, la Bretagne ou l’Île de France, le paracommercialisme est combattu et régulé. Il n’y a aucune raison à ce que la Corse s’affranchisse de cette régulation » soutient Jean Dominici qui acquiesce acquiesce, par ailleurs, aux propos de son homologue de la CMA, Jean-Charles Martinelli, qui suggère « une remise en cause  partagée. » Le tourisme bashing existe, c’est une réalité affligeante lorsqu’on sait le nombre de filières et, par voie de conséquence, de familles dont le sort dépend d’une bonne saison. Mais le secteur peut et doit se réinventer et la puissance publique doit elle-même faire en sorte que la Destination Corse demeure attractive, non spéculative et sentinelle de ses sites.

LA PEUR DU DÉCLASSEMENT

Les représentants des PME et les organisations patronales qui siègent au sein du Collectif, témoignent de l’effet domino des mauvais indicateurs économiques actuels sur les difficultés de recruter en nombre et en niveau suffisant de compétence, de se loger, de s’approvisionner. Et donc de se projeter sur l’avenir avec un minimum de sérénité et de confiance. On en revient au problème énoncé en préambule : l’économie, qui charpente toute la société, n’est plus considérée comme un enjeu significatif et, de ce fait, elle souffre, dans le contexte, pourtant plein de promesses, du processus entre l’État et la Corse, du syndrome du déclassement. C’est assez difficile à comprendre, encore moins à accepter. Face à cette situation inconcevable et exaspérante, les parties prenantes du Collectif veulent faire preuve de cohésion et de fermeté. Remettre les pendules à l’heure. Parler d’une seule voix. Ou plutôt écrire d’une même main. La décision, unanime, a donc été prise d’adresser un courrier au président du Conseil exécutif de Corse, afin que l’économie de la Corse, le nerf de la guerre de son avenir, revienne au centre de l’échiquier. La distance prise avec elle doit être rapidement comblée. Il n’est jamais trop tard pour bien faire…

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°34 (juillet-août 2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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