La Lettre | Economie touristique : Le temps de l’action est arrivée

La Lettre | Economie touristique : Le temps de l’action est arrivée

La rencontre du 11 juillet entre le Collectif des socioprofessionnels et le Conseil exécutif de Corse avait débouché sur un plan d’urgence et un accord de concertation sur la durée pour construire un nouveau modèle économique. Il est temps de passer des paroles aux actes…

L’angoisse est un insatiable rongeur qui creuse ses galeries dans nos tripes. Dans la dernière ligne droite de la saison estivale, elle devient virale chez l’ensemble des socioprofessionnels qui peuplent toutes les filières du tourisme. Mais en économie, l’effet domino est inévitable et si c’est le secteur qui produit le plus de richesses qui flanche, c’est tout le tissu productif qui finit par s’effilocher. Jean Dominici, notre président, n’a pas seulement une vue panoramique sur la situation et la frustration qu’elle génère. Il en est le réceptacle et il n’a jamais hésité à monter au créneau pour sensibiliser les pouvoirs publics et les presser d’agir. À chaque réunion de crise qu’elle organise, la CCI de Corse recense des engagements fermes, la main sur le coeur, mais peu sont suivis d’effet (des faits). Or, la chambre, telle que Jean Dominici la gouverne et la guide, n’est pas une chambre d’enregistrement mais une chambre d’action.

RÉGULER L’HÉBERGEMENT NON-MARCHAND

Et le temps presse. Panser les plaies d’une saison qui, ellemême, n’a pas tenu toutes ses promesses et relancer la machine, c’est une course contre la montre. « Le début de saison a été poussif et au regard du niveau de remplissage des vols cet été, les premiers retours sur l’économie touristique ne sont pas à la hauteur des attentes. De toute manière, même une belle saison n’aurait pas cautérisé toutes les cicatrices laissées par les crises successives. La Corse est toujours confrontée à des vents contraires. Ils sont conjoncturels comme les séquelles de la pandémie, l’inflation, l’augmentation des prix de l’énergie, la baisse du pouvoir d’achat, mais ils sont aussi structurels, en particulier les surcoûts nombreux et variés liés à l’insularité. 2022 a été une année en trompe-l’oeil. La progression fulgurante enregistrée pour le seul trafic aérien était imputable à notre capacité exceptionnelle de résilience et à l’efficacité de la stratégie de reconnexion de la chambre auprès des opérateurs. Cette année, nous enregistrons un léger fléchissement, mais la principale raison de la désaffection de l’hébergement marchand, c’est encore et toujours le paracommercialisme. Un mal chronique que j’ai maintes fois dénoncé pour appeler la puissance publique à mettre en oeuvre une politique de régulation draconienne telle qu’elle est menée dans tous les pays, les régions et les métropoles à forte affluence touristique. Malgré nos alarmes réitérées, rien de probant n’a été entrepris alors que ce phénomène ne tourmente pas que les professionnels du tourisme, il a par ricochet des répercussions négatives sur la fiscalité, l’accès au logement, la démographie, etc. » Jean Dominici, qui stigmatise par ailleurs le tourisme bashing devenu curieusement à la mode alors que le secteur représente, pour la Corse, plus des deux tiers des retombées économiques (directes et indirectes), n’a pas attendu la rentrée pour allumer de nouveaux feux de détresse. Son sens de l’anticipation l’a amené à mettre sur pied une rencontre frontale, au coeur de l’été, entre les principaux tenants de l’économie et les élus investis du pouvoir de décision.

PASSER DES ENGAGEMENTS AUX ACTES

La table ronde s’est tenue le 11 juillet dernier. En face des représentants du monde économique réunis sous la bannière du Collectif des organisations professionnelles et consulaires, avaient pris place le président du Conseil exécutif de Corse entouré du président de l’Adec, de la présidente de l’Agence de Tourisme et de la présidente de l’Office des Transports. Cette longue séance de travail n’a pas été vaine puisqu’elle a débouché sur l’élaboration d’un plan d’urgence destiné à atteindre trois grands objectifs : casser la spirale négative dans laquelle est aspirée l’économie touristique de la Corse ; préparer dès à présent la saison 2024 sur des bases fondamentalement différentes avec de nouveaux outils en faveur d’une promotion plus clairvoyante de la destination ; mettre en oeuvre des mesures concrètes et rapides de soutien aux professionnels en difficulté.

Pour battre le fer quand il est chaud, les participants ont de même acté d’un commun accord la constitution d’ateliers et de groupes de travail mixtes socioprofessionnels-conseillers exécutifs pour plancher sur les thèmes prioritaires suivants : les transports ; la fiscalité en général et le crédit d’impôt en particulier ; l’emploi et la formation ; la lutte contre le paracommercialisme ; le remboursement des PGE, les prêts garantis par l’État de la période Covid.

Enfin, on le sait, la Corse a besoin d’un nouveau modèle économique, notamment d’un nouveau modèle touristique. Ce sont les grands défis de ce siècle qui l’imposent et c’est aussi une aspiration forte du monde économique. La CCI en a posé les premiers jalons et les perspectives d’une évolution institutionnelle peuvent en favoriser l’émergence. Dans cet optique, il a été décidé d’en tracer le chemin de manière régulière et concertée. Au final, « une réunion de travail approfondie et constructive ». Ce sont les termes employés par Jean Dominici. Trois mois plus tard, c’est toujours le statu quo. Pour reprendre le mot d’un Premier ministre aujourd’hui disparu : il faut mettre un frein à l’immobilisme.

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°35 (septembre 2023) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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