La Lettre | Déchets organiques : La valorisation à cor et à…tri

La Lettre | Déchets organiques : La valorisation à cor et à…tri

A Casa di l’Agricultura corsa à Vescovato a accueilli un séminaire destiné à donner une plus-value économique à la valorisation des déchets issus du monde agricole et de l’industrie agroalimentaire. Des entreprises modèles du Continent ont montré la voie…

l’exemple de ce qu’on a pu voir quelques pages auparavant, la conjonction des volontés et des moyens autour de projets qui investissent le monde prometteur du développement durable pour créer de la richesse économique et de l’emploi, c’est la meilleure façon d’aller de l’avant. Chacun sort des limites de son pré carré, laisse aux vestiaires ses antagonismes et son autolâtrie, et change ses habitudes pour rentrer dans un terrain encore en friche pour bien des secteurs d’activités : le terrain d’entente. Et ça fonctionne plutôt bien. C’est en tout cas l’enseignement que l’on peut tirer du séminaire qui s’est tenu le 25 janvier dernier à Vescovato, dans les locaux de la chambre régionale d’agriculture, sur le thème de la valorisation des déchets organiques. Elle a donné l’occasion à deux mondes parallèles de se retrouver sous un même toit – en l’occurrence le monde de l’agriculture et le monde de l’industrie agroalimentaire – d’échanger et d’esquisser des initiatives communes. Et ce, dans un environnement institutionnel favorable puisqu’en soutien immédiat se trouvent les quatre piliers que forment l’État, la Collectivité de Corse et les deux chambres consulaires. En un mot, le décor idéal pour se donner toutes les chances de faire du chemin…

« QUAND ON CHASSE EN MEUTE, ON EST PLUS FORT ! »

Joseph Colombani, le président de la chambre régionale d’agriculture, n’a pas manqué de rappeler le contexte particulier : le soulèvement du monde agricole qui réclame moins de normes et plus de considération : « Il est de loin préférable de produire mieux que de capter des subventions ». Mais il n’omet pas d’entrer dans le vif du sujet, estimant que conjuguer les volontés, c’est le meilleur moyen  d’aller de l’avant notamment dans la valorisation des déchets organiques qui, à ses yeux, a deux mérites : nourrir l’économie circulaire et apaiser les relations entre les agriculteurs et les écologistes.

Vice-président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, Jean-Dominique Susini situe l’enjeu : traiter quelque 220 000 tonnes de résidus agricoles et agroalimentaires et faire du boulet de gaspillage un ballon d’oxygène économique. Au nom de la CCI de Corse au sein de laquelle il préside la commission des industries agroalimentaires, Olivier Valery évoque « une opportunité unique de développement ». À la fin du séminaire, il tire d’encourageantes conclusions : « Au-delà du thème abordé aujourd’hui, on mesure à quel point le travail en commun peut porter ses fruits. Le rapprochement est salutaire. Si chacun connaît mieux les spécificités de l’autre, les problèmes deviennent des solutions. À titre d’exemple, tout un pan de la filière agroalimentaire peut transformer les abats de valeur issus de l’élevage et des abattoirs. L’idée sera approfondie… » Le préfet de la Haute- Corse  reprend  une  métaphore  animalière  pour galvaniser la volonté d’union et de réflexion collective sur un objectif partagé : « Quand on chasse en meute, on est plus fort ! » Michel Prosic souligne que la valorisation dont il est question est un atout inexploré, « une aubaine économique forte ».

UN GROUPE DE TRAVAIL INSTALLÉ COURANT FÉVRIER

Mais rien ne vaut un retour d’expérience pour se  faire  une  idée  plus  juste  du  panel  des reconversions productives des déchets jusque- là  gâchés  et  détruits.  Plusieurs  témoignages inspirants se sont succédé à la tribune. L’auditoire des professionnels, nombreux et captivé, s’est vu proposer une série de modèles à suivre et à adapter localement. Il y avait les régionaux de l’étape  comme  Jacques  Abatucci  qui  valorise peaux et produits sanguins, et Joseph Colombani, au titre de président de l’association d’éleveurs Vaccaghja Energia qui produit de l’énergie grâce à son unité de méthanisation collective. Également convaincant, l’exposé de Patrice Drillet à la tête d’une coopérative d’éleveurs dans le Sud-Ouest de la France, qui a commencé à une petite échelle et traite aujourd’hui 350 000 tonnes de déchets organiques et 850 000 m3 d’effluents par an. Ces volumes qui, il n’y a pas si longtemps, étaient voués à la décomposition et aux dépotoirs produisent désormais des énergies décarbonées, chauffage, électricité,  carburant  propre,  de  la  nourriture animale, de l’eau pure en grande quantité et même une gamme de produits d’hygiène commercialisés dans les parapharmacies.

Tous ces récits incitent à se retrousser les manches. « C’est une excellente nouvelle car nous avons sur notre territoire tout ce qu’il faut, les outils et les partenaires, pour se lancer en toute connaissance de  cause  dans  l’élaboration  de  projets.  Les professionnels présents au séminaire ont exprimé la volonté de se rapprocher et de s’organiser. De nombreux échanges de contacts pour des rendez- vous à venir ont été constatés entre agriculteurs, éleveurs et entreprises agroalimentaires » se réjouit Marie-Françoise Baldacci qui, en partenariat avec notre chambre, avait organisé un premier colloque à Biguglia sur les déchets du bâtiment. Dans le droit fil de cette émulation, la directrice de la DDETSPP* de  la  Haute-Corse  annonce  l’installation  d’un groupe de travail dédié dès ce mois de février. Il faut savoir battre le fer quand il est chaud… « La valorisation des déchets organiques est une opportunité unique de développement. Le rapprochement est salutaire, il transforme les problèmes en solutions. » Olivier Valery, président de la commission des industries agroalimentaires à la CCI de Corse.

* Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations 

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°40 (février  2024) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

Lire La Lettre