La Lettre | Les bons plans de Gaël Grimard

La Lettre | Les bons plans de Gaël Grimard

Le nouveau directeur des Finances publiques de la Haute-Corse a rapidement pris ses marques avec l’économie insulaire et met l’accent sur deux dispositifs trop méconnus des entreprises mais très utiles.

La cause des entreprises, la déclinaison territoriale des politiques économiques et fiscales du gouvernement, le défrichement des sentiers pour mieux s’acheminer vers le développement et les transitions inéluctables qui le sous-tendent : dans les deux départements, la Direction des Finances publiques est un partenaire indispensable pour progresser, créer, sauvegarder. La Haute-Corse a un nouveau directeur, Gaël Grimard, formé à l’IEP de Grenoble et diplômé de l’École nationale du Trésor. Il est natif de Nevers dans la Nièvre, Ville d’Art et d’Histoire – comme Bastia – renommé pour la fabrication séculaire de la faïence et pour l’illustre et intrépide chevalier de Lagardère, fine lame de fiction, affilée par la plume de Paul Féval dans son roman-culte « Le Bossu ». Dans l’exercice de sa profession, Gaël Grimard n’a pas l’art de l’esquive ni le goût pour les coups d’épée dans l’eau. Il est déjà à l’assaut de tout ce qui pourrait entraver la bonne marche des entreprises. Sabre au clair…

« VENEZ NOUS VOIR, N’HÉSITEZ PAS ! »

Ce qui l’a forcément marqué, après seulement deux mois de présence, c’est la situation quasi hégémonique des très petites entreprises qui a un impact fort en termes personnels d’approche de contact direct qu’il s’assigne. « D’un côté, un tissu composé à plus de 95 % de TPE-PME, de l’autre, un éventail de dispositifs fiscaux complexes et une multitude d’aides mobilisables de l’État. Toute la question est de savoir comment on parvient à améliorer la connexion, comment on accède à ces microentreprises qui n’ont majoritairement qu’un seul salarié. Ici, c’est une vraie spécificité et la communication devient un outil majeur. » Récemment, à l’invitation de la présidente de l’UMIH, Karina Goffi, il s’est rendu au Salon des hôteliers à l’Arinella pour évoquer le Sésame phare de l’économie corse, le crédit d’impôt. « Un professionnel m’a expliqué qu’il avait déposé un dossier dont il était depuis sans nouvelle. Il n’osait pas demander, de crainte de devoir dévoiler sa situation, parfois ses difficultés. Ce frein est néfaste. S’il existe la moindre barrière psychologique, il faut la gommer du paysage. Nous sommes là pour informer, soutenir les chefs d’entreprise. Un des enjeux consiste à les désinhiber. Je leur dis en toute sincérité : avant que ça se passe mal ou même si ça se passe déjà mal, venez nous voir, n’hésitez pas ! Il y a bien davantage qu’une écoute, il y a une aide, des possibilités de délais et, derrière, plusieurs dizaines d’emplois sauvés chaque année. Ce n’est pas rien pour un territoire comme le nôtre… » Derrière les propos de Gaël Grimard perce comme un sentiment de frustration : « Si on nous sollicitait de manière plus spontanée et plus systématique, certains noeuds pourraient être dénoués… ».

Il est parfaitement en phase avec sa collègue de Corse-du-Sud quand il s’agit d’aborder ce crédit d’impôt investissement de Corse, un modèle inédit en France qui a évolué année après année dans son champ et ses modalités d’application. « Notre objectif est double : la sécurité fiscale, qui assure l’équité entre les entreprises, et la pédagogie relative à notre méthode de traitement. Un dossier de crédit d’impôt qui a toutes les chances d’être accepté est un dossier pour lequel nous disposons du plus d’informations possibles sur la nature de l’investissement afin de s’assurer du respect des critères prévus dans le code des impôts. C’est souvent par manque de précisions ou en raison de figures juridiques imposées, à l’exemple des contraintes européennes qui encadrent le champ des rénovations dans l’hôtellerie, que tout peut se compliquer. »

DES DISPOSITIFS EN FORME DE PLANCHES DE SALUT

Gaël Grimard annonce qu’un nouveau dispositif est expérimenté cette année dans l’île : « La lettre confort ». En règle générale, une entreprise dépose son dossier de demande le remboursement du crédit d’impôt au mois de mai, au moment de la déclaration de résultats. Avec la procédure de la lettre de confort, elle peut déposer, bien en amont, toutes les pièces justificatives de son investissement, dès sa réalisation, auprès de sa direction départementale des Finances publiques qui sera vite en mesure de lui signifier vie une « lettre de confort » si elle est (ou pas) juridiquement dans les clous. « Cette anticipation est avantageuse pour tout le monde : le chef d’entreprise a ce qu’il faut pour aller auprès de son banquier et l’informer que l’administration fiscale a bien prévu d’examiner son dossier de crédit d’impôt en mai sur la base des éléments déposés de manière anticipée et, de notre côté, nous pouvons accélérer le traitement. Au moment de valider, l’essentiel du travail aura été fait. »

Un autre dispositif peu exploité, le « rescrit fiscal ». Un terme rébarbatif dont l’administration a le secret, mais qui a une grande utilité. Il s’agit d’un simple courrier envoyé à la Direction départementale des finances en amont d’un investissement, à n’importe quelle période de l’année qui dira, dans un délai de trois mois, si les éléments fournis sont conformes aux critères du crédit d’impôt. La lettre de réponse devient un document opposable, très sécurisant pour l’entrepreneur et prépondérant vis-à-vis des banques. « Nous allons communiquer sur ce droit offert aux entreprises car il est trop méconnu, peutêtre faute de temps et de ressources administratives internes des entreprises de s’y intéresser. »

Aujourd’hui, sept demandes de remboursement de crédit d’impôt sont réglées sous trois mois. Trois sur dix sont donc payées plus tardivement en raison de la complexité des dossiers, ce qui peut poser des problèmes de trésorerie. « Je suis chef d’entreprise : en recourant au rescrit fiscal en amont de mon investissement ou à la lettre de confort dès que mon investissement est réalisé, je gagne plusieurs mois et ma situation est sécurisée. » Le crédit d’impôt investissement, c’est environ 100 M€ chaque année pour les deux départements de Corse. « C’est un outil financier spécifique à la Corse qu’on nous demande de le rendre plus simple. On s’y emploie. » On l’a dit, Gaël Grimard vient du pays de Lagardère. Devant l’adversité, il ne désarme pas. Les deux dispositifs qu’il promeut ici au service des entreprises, c’est en quelque sorte sa… « botte de Nevers ».

ARTICLE PARU DANS L’ÉDITION N°42 (mars  2024) DE LA LETTRE – CCI DE CORSE

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