[CORSE-MATIN] L’art délicat du transfert de tutelle des CCI et CMA

[CORSE-MATIN] L’art délicat du transfert de tutelle des CCI et CMA

En 2018, les chambres consulaires ont demandé à passer sous tutelle de la Collectivité de Corse, en remplacement de l’État, dans un contexte où le ministère réduit drastiquement les dotations. Si le principe semble faire consensus, divers écueils ont été soulevés à l’Assemblée hier.

Plusieurs centaines d’emplois, des fonds propres de plus de 100 millions d’euros, et une gestion des ports et aéroports en excédents, les chambres consulaires sont un acteur important de l’économie corse sur plus d’un point. L’enjeu de leur avenir est d’autant plus important. L’exécutif présentait donc hier à l’Assemblée de Corse un premier rapport d’étape afin d’exposer l’avancée des travaux sur cette tutelle. Des premiers résultats d’études et une date butoir, celle de 2024, à laquelle la tutelle devra être opérationnelle car les concessions portuaires et aéroportuaires arrivent à échéance fin 2023, et la Collectivité s’exposerait au risque que de grands groupes n’en remportent les appels d’offres.

Différents scenarii ont été présentés concernant le statut de la future structure, ainsi que les questions relatives au personnel et à la gouvernance.

Les principaux enjeux, soulevés par le rapport et relevés lors des prises de paroles, s’articulent autour de trois axes : « Les CCI et CMA ont des compétences qui entrent également dans le champ d’agence comme l’Adec ou de directions de la Collectivité comme la formation. Une mise à plat de l’exercice des compétences et une redistribution rationnelle de celles-ci devront être opérées ; la tutelle exercée actuellement par l’État sur les CCI et CMA est très différente de celle de la CdC sur ses agences et offices. La piste privilégiée par le Conseil exécutif de Corse est celle d’une future tutelle qui devra s’établir sur le modèle de celle exercée sur les agences et offices (…) la gouvernance et la représentativité seront l’objet également de changements importants. En effet, le futur établissement à statut particulier qui serait créé, serait forcément présidé par un élu et non plus un ressortissant », détaille le rapport.

Gilles Simeoni a ensuite insisté sur le fait que ce ne soit « pas une intégration à la Collectivité, ni une tutelle politique », soulignant ainsi le délicat exercice institutionnel qui attend les services pour l’élaboration des conditions de cette tutelle.

Quel statut pour les élus consulaires ?

Des points sur lesquels, justement, la droite et les autres groupes nationalistes ont tenu à apporter des réserves et des objectifs clairs afin d’éviter les écueils. La première à prendre la parole fut Christelle Combette : « Dans le scénario avancé, ces élus, ressortissants et issus du monde économique local, n’administrent plus l’outil, ils ne deviennent que des exécutants d’une stratégie mise en place par les élus territoriaux. Cela est regrettable Il doit y avoir une réflexion sérieuse sur la représentation des élus professionnels qui doit être respectée. Le schéma fourni semble une usine à gaz sans pour autant les placer au coeur du dispositif stratégique. » La question du statut des salariés a aussi été posée par les salariés, qui ont qualifié la future structure de l’« office du commerce et de l’artisanat », avant de regretter que les études citées n’aient pas été transmises aux élus. « Elles le seront », lui a répondu Gilles Simeoni.

Un point a fait consensus lors des différentes interventions, celui de la gestion des infrastructures : « Je ne suis évidemment pas favorable à l’arrivée de grands groupes sur des éléments aussi stratégiques que les infrastructures de transports, mais en même temps, je ne suis pas favorable à ce que la CdC tente de régenter ces infrastructures, a déclaré Jean-Christophe Angelini, il ne faut pas réinternaliser des fonctions qui sont bien exécutées. »

« Nous avons un outil efficace »

Plus ou moins le même constat et les mêmes réserves, pour Paul-Félix Benedetti : « Ce qui est public doit le rester, les ports et aéroports doivent être gérés en direct par la Collectivité. Les chambres de commerce apportent une prestation d’assistant technique, mais elles ne doivent pas devenir des établissements publics. Nous avons un outil efficace et il est important de ne rien détruire », a déclaré le président du groupe Core in Fronte.

L’autre crainte, qui a fait consensus dans les oppositions est liée aux conditions de cette tutelle par une institution qui est encore empêtrée dans sa propre fusion et des effectifs conséquents, voire en excédent : « Les agents vont intégrer une collectivité qui n’a pas encore fini de fusionner. Je crois que s’il faut rassurer les personnels des chambres, l’exécutif doit clarifier les choses pour les agents. On fête les 40 ans de l’Assemblée de Corse et les 30 ans de l’exécutif qui compte des agences et offices, auxquels on va désormais rajouter l’intégration des chambres consulaires. Ce modèle est-il opérationnel ? Il ne s’agirait pas de rajouter une nouvelle couche sur une couche qui n’est pas terminée », a ainsi souligné Jean-Martin Mondoloni pour Un Soffiu Novu. « Nous sommes toujours à une rationalisation, restructurer des outils dédiés à l’économie et au territoire. Il faut réformer, voire, osons-le, supprimer certains offices et agences qui ont montré leurs limites. Nous y sommes favorables, oui, mais comment ? », a ajouté Jean-Christophe Angelini, pointant tant la masse salariale importante que le manque d’efficacité de la méga structure née de la fusion.

La nécessité d’optimiser les coûts de fonctionnement des institutions régionales, territoriale comme consulaire, se heurte à la question sociale, celle du devenir des emplois et surtout des employés. Des dossiers épineux, qui demandent autant de compétences techniques que de courage politique.

ISABELLE LANCON-PAOLI

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EN CHIFFRES

900 > C’est le nombre d’emplois que comptent les chambres consulaires, dont 750 pour les chambres de commerce.

126 > millions d’euros. Le montant des fonds propres détenus par les chambres, dont 121 par la chambre de commerce.

77 > millions d’euros annuels sont consacrés par la CCI aux infrastructures de transport, soit les deux tiers de leur budget.