[LPB] « La Corse a besoin d’un plan de soutien défini de manière spécifique pour elle »

[LPB] « La Corse a besoin d’un plan de soutien défini de manière spécifique pour elle »

Entretien avec Jean Dominici, Président de la CCI de Corse

Sortie de crise, inquiétudes soulevées par les croisières, l’économie dans les négociations entre la Corse et Paris. Le président de la CCI de Corse effectue un tour d’horizon et se projette sur l’avenir…

  • Peut-on estimer que la Corse, la plus pénalisée des régions de France, s’est économiquement remise de la crise du Covid ?

En effet, avec une baisse de 18 % du PIB en 2020 et un impact sur l’emploi six fois plus important qu’en moyenne nationale, la Corse a connu une crise économique sans précédent. Grâce aux soutiens très performants déployés par l’État, ceux de la Collectivité de Corse, l’accompagnement des partenaires et en premier lieu l’URSSAF, conjugués aux efforts de relance de l’activité de la CCI, notre économie a pu traverser les graves difficultés enregistrées depuis deux ans mais il est trop tôt pour dire que nous avons dépassé la crise et ses effets. Il reste dorénavant à affronter le « mur de dettes » de plus d’un milliard d’euros constitué du PGE et des créances fiscales et sociales dont la digestion est loin d’être acquise pour tous les acteurs concernés.

  • Depuis trois ans, vous avez basé toute votre stratégie de relance sur la reconnexion aérienne de l’île avec l’Europe. Cela est-il vraiment bénéfique ?

Oui, les effets recherchés sont bien là, en 2020 les aéroports corses sont ceux qui ont le mieux résisté à la crise au plan national et en 2021 ce sont ceux qui rebondissent le plus vite selon les bilans statistiques de l’Union des Aéroports Français. Ces caractéristiques ont donc permis de limiter fortement la casse et d’assurer le redémarrage rapide d’une économie fortement liée au secteur du tourisme qui comme chacun le sait représente un tiers de notre PIB.

  • Côté mer, la Corse bat un record d’escales de bateaux de croisière, parfois énormes ce qui émeut la population. Comment concilier la préservation de l’environnement et la vie économique ?

Nous avons actionné de manière dynamique la reprise d’activité croisière et, là encore, les résultats sont au rendez-vous, avec des flux importants vers le commerce de proximité des villes portuaires et des excursions pour les zones plus éloignées. Il nous faut améliorer la communication sur les mesures récentes et pourtant efficaces des armateurs afin de limiter les émissions des gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique de manière générale. La mise en place de filtres dans les cheminées et l’utilisation de nouveaux carburants beaucoup moins nocifs, voire de GPL pour certaines unités, contribuent incontestablement à limiter les effets négatifs de la fréquentation. Nous allons renforcer l’information afin d’apporter des éléments objectifs pour répondre aux légitimes inquiétudes des riverains et des associations environnementalistes, comme nous allons mettre à jour nos enquêtes destinées à mesurer les effets économiques induits par l’activité croisière.

  • La reprise des négociations entre Paris et la Collectivité de Corse a pour finalité une évolution institutionnelle. En quoi l’économie corse se développerait plus et mieux avec un statut d’autonomie ?

L’économie de la Corse est une économie sous la triple contrainte de l’insularité, de la saisonnalité et de l’étroitesse du marché intérieur. Cette situation structurelle pèse entre 9 et 12 % du chiffre d’affaires des acteurs économiques en fonction des secteurs et il est tout à fait normal d’attendre que ces handicaps, que ne connaissent pas les entreprises continentales, fassent l’objet d’une mise à parité par des mesures spécifiques. Le dialogue avec l’État pourrait y contribuer.

  • N’y a-t-il pas risque d’incompatibilité avec le modèle économique plus durable et plus vertueux souhaité par tous tel qu’il est ressorti de l’étude conjointement menée avec les experts du cabinet EY ?

Non au contraire, le modèle économique que nous avons défini avec le cabinet EY, plus résilient et mieux armé face aux différentes transitions (numérique, environnementale, sociétale) ainsi que face à la succession de crises que nous vivons et qui se profilent, passe inévitablement par un cadre de soutien et d’appui défini de manière spécifique pour la Corse.

  • D’ici 2024, il est prévu que la CCI de Corse soit transférée à la Collectivité de Corse. Pourquoi une telle volonté de votre part ?

Les différentes phases de décentralisation ont donné depuis 30 ans à la Collectivité de Corse des prérogatives et des moyens spécifiques pour définir et mettre en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’économie, des transports, de la formation. Le rôle de la CCI est de mettre en oeuvre ces politiques publiques de manière simple, rapide et efficace. C’est donc le sens de l’histoire que les réseaux consulaires et la CdC soient étroitement liés pour garantir au tissu économique une organisation performante et lisible afin de produire les services dont il a grandement besoin.