[CORSE-MATIN] Une politique touristique se discute au moins un an avant

[CORSE-MATIN] Une politique touristique se discute au moins un an avant

 

 

 

 

 

 

Pour le président de la chambre de commerce régionale, Jean Dominici, le temps presse. Il croit en un plan d’urgence et attend les orientations de l’exécutif. Une réunion est prévue cette semaine

La saison touristique semble tourner au ralenti en Corse. Taux d’occupa­tion en baisse, chute de fréquentation dans les établissements. Est-ce que les premiers chiffres régionaux le confirment ?

Oui, les premiers chiffres en attestent, en particu­lier lorsqu’on analyse les mois d’avril, mai et juin. La baisse de fréquentation en avant-saison a été, en effet, assez importante au regard du taux de remplissage des vols. Les épisodes pluvieux et caniculaires ainsi que l’inflation ont également nui à un début de saison poussif, confirmé par des engagements de plus en plus tardifs de la part des voyageurs. Au 2e trimestre, on observe une baisse de l’offre par rapport à 2022 de 17 % qui se traduit par moins 5 % de passagers.

2022 était une année exceptionnelle, peut-elle vraiment servir d’année de référence ?
2022, est une année en trompe-l’œil. On était dans une dynamique de progres­sion constante. Le trafic insulaire a même atteint 4,4 millions de passagers, progressant ainsi de près de 20 % et dépassant les données de fréquentation de 2019. C’était le résultat de la résilience exceptionnelle du transport aérien local et de l’efficacité des mesures proposées. Mais en 2023, la Corse a dû faire face à la conjonction de plusieurs facteurs : la fin du cycle de reconnexion initié en 2020, les facilités retrouvées pour voyager en Europe et à l’international, la quasi-dis­parition de la pandémie et la réapparition ou l’émer­gence de destinations très fortement concurrentielles.

Pour autant, n’est-il pas prématuré de parler de « saison noire » ?
Je veux le croire quand je regarde les prévisions d’août dans les aéroports et les ports.
Fin juillet, l’offre globale est en recul de plus de 300 000 sièges par rapport à 2022 mais très proche finalement de celle de 2019, induisant une fréquentation en très léger recul par rapport à 2022 et identique à 10 000 passagers près, de celle de 2019. On sera peut-être au­tour de 2 à 3 % de moins.
Pendant de longs mois, les débats régionaux se sont focalisés sur la sur fréquentation des sites, sur la déconcentration de la saison.

Est-ce qu’une politique de tourisme se discute à la veille d’une saison?
Non pas du tout. Une poli­tique touristique se discute au moins un an avant. Mais en aucun cas ni la veille, ni pendant. Et les opérations de tourisme bashing péna­lisent aussi tout le secteur. Le tourisme représente près de 70 % des retombées économiques indirectes de la Corse. C’est dire l’impor­tance.

Justement, le 11 Juillet dernier, à la sortie d’une réunion avec l’exécutif, la CCI annonçait la construction d’un plan d’urgence. Est-ce une opé­ration de communication pour apaiser les esprits
ou faut-il vraiment en at­tendre quelque chose ?
Il faut en attendre quelque chose et de suite. Nous, on a demandé que cela soit mis en place sans attendre. La CCI a même redemandé une réunion car jusqu’à présent, rien n’a été fait. Il faut comprendre qu’au­jourd’hui, les compagnies aériennes se sont détour­nées de la Corse. Elles partent en Grèce comme en Tunisie et si on ne les aide pas à venir en Corse, elles iront autre part. Est-ce qu’on veut vraiment du
tourisme en Corse, en ce qui me concerne, je pose la question?

 

Depuis le début de l’été, les socioprofessionnels s’inquiètent pour leur survie. Entre remboursement de PGE et baisse de la consommation, leurs craintes sont-elles fondées?
Oui, elles le sont. On en discute avec les différents socioprofessionnels. Si la saison s’avère mauvaise cette année, il sera difficile de s’en remettre. Ils ne supporteront pas deux mauvaises saisons consécutives. Aujourd’hui, on constate qu’il y a 30 000 lits proposés par les établissements hôteliers et 200 000 par Airbnb. Les gens viennent en Corse mais ils consomment moins.

Avec des tarifs affolants observés en avant-saison par des professionnels, le coût du transport peut-il expliquer à lui seul cette désaffection de la destination?
Oui, en grande partie. Il est vrai que ces coûts affolants ont eu un effet sur l’avant saison mais en juillet et août, malgré cela, les gens voyagent. Il ne faut pas non plus généraliser cette hausse car il reste des billets accessibles. Il est néanmoins nécessaire d’avoir une politique du transport.

Pour expliquer une baisse de fréquentation dans la région ajaccienne, des professionnels incriminent également le déséquilibre de l’offre aérienne au profit de Bastia. Que répondez-vous ?

C’est faux. Ajaccio a toujours plus d’offres passagers que Bastia. Cette année, il y a 1 506 270 de sièges offerts sur Ajaccio et 1 417 928 sur Bastia. Hors obligation de service public, l’offre est de 481 367 contre 466 742. Aucun déséquilibre d’un aéroport par rapport à un autre ne peut être constaté à ce stade. Mais, en effet, le recul de l’offre globale en 2023 est plus marqué sur Ajaccio avec 188 000 sièges en moins par rapport à 2022, et 128 000 sur Bastia. Globalement, l’offre aérienne de la saison estivale programmée en Corse en 2023 s’établit à 4,24 millions de sièges proposés, contre 4,68 en 2022 soit une baisse de 9,5%

Pour certains, l’explication reposerait sur un écart de taxes aéroportuaires.
Les taxes sont certes un peu moins chères à Bastia, mais cela l’a toujours été. Jusque-là, Ajaccio avait beaucoup plus de sièges, Bastia est à présent remonté. Je rappelle, que le poids des redevances aéroportuaires ne représente en moyenne que 3,18 % du coût total du prix du tarif résident d’un billet A/R Paris-Corse.

En général, à cette période, les acteurs économiques préparent la saison suivante. Est-ce que Je chantier est suffisamment engagé en Corse ?
Non, pas du tout. Les socioprofessionnels sont prêts mais la Collectivité de Corse doit nous aider. Nous allons notamment demander que des aides soient mises en place comme à l’époque de la Covid, dès la fin août ou le début septembre.

La politique touristique défendue pour la Corse ne fait-elle pas toujours défaut?
Absolument. Lorsqu’on entend aujourd’hui qu’il y a de la surfréquentation dans certains endroits, cela est certainement vrai sur des périodes mais il ne faut pas généraliser, il y a des localités où il n’y a personne. Parler de promotion de la Corse en tout début de l’été,
comme cela a été fait, a été à mon sens une erreur. On accusait déjà des baisses de fréquentation et les indicateurs n’étaient pas bons. Ce n’était pas le moment. L’autre problème, c’est qu’il y a des périodes où il faudrait des avions supplémentaires mais nous, chambre de commerce, nous ne sommes pas les décideurs.
Les socioprofessionnels voient qu’ils vont droit dans le mur et ils attendent un plan.

 

PROPOS RECUEILLIS PAR JULIE QUILICI·ORLANDI